De la France Libre au RPF : l’engagement gaulliste d’Adrien Charrier

En imposant certains choix, la Seconde Guerre mondiale bouleverse profondément de nombreux destins. Celui d’Adrien Charrier en témoigne. Maire radical-socialiste de Port-Louis en 1939, son engagement au sein de la France Libre fait de lui un gaulliste convaincu et, au sortir de la guerre, l’un des pionniers du RPF dans le Morbihan.

Un des nombreux ports africains où opère Adrien Charrier pendant la Seconde Guerre mondiale : Douala. Carte postale, collection particulière.

Adrien Charrier naît à Nantes le 6 mars 1896. Petit-fils et fils de conserveurs établis à Port-Louis, il se destine à prendre la suite familiale lorsque la Première Guerre mondiale éclate1. Le conflit bouleverse en effet la quiétude familiale. En 1914, son père, Marcel Charrier, pourtant dégagé de toute obligation militaire, contracte un engagement volontaire pour la durée du conflit2. De son côté, le 15 mars 1915, Adrien Charrier décide de devancer l’appel sous les drapeaux, mais sa guerre demeure encore assez floue. Si son engagement volontaire dans la marine pourrait fait croire à une stratégie d’évitement des tranchées, force est de constater que celle-ci échoue puisqu’il se retrouve à partir de 1916 dans l'infanterie, sous l'uniforme des 6e et 226e RI3. Comment expliquer ce changement d’arme et faut-il y voir un consentement redoublé au conflit ? Les archives ne permettent pour l’heure pas de le dire.

Après-guerre, le Marcel Charrier se lance dans une fulgurante carrière politique. Il devient maire de Port-Louis, conseiller général en 1924 puis, quatre ans plus tard, député de la deuxième circonscription du Morbihan. Bien loin de cette agitation, son fils Adrien Charrier devient représentant en huile de graissage de moteurs marins4. Il préside néanmoins la Fédération des Armateurs, Patrons et Marins-pêcheurs de la part de l’Atlantique. En 1934, à la suite du décès de son père, il prend la tête d’une liste d’Union républicaine de Gauche et devient maire de Port-Louis5

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Adrien Charrier est, comme des millions de Français, rappelé sous les drapeaux. Refusant la défaite, il rallie Londres le 1er août 1940 et s’engage dans les FFL. En décembre 1940, Charles de Gaulle le nomme au commandement de la marine en AEF où il se voit confier la charge d’organiser la défense du littoral6. Considéré comme un déserteur et un traître, il est condamné par contumace par le tribunal militaire de Toulon à la peine capitale le 7 janvier 19437. Ses biens sont confisqués. Mais dix-huit mois plus tard, il rentre triomphalement en Bretagne. Le 12 octobre 1944, il obtient en effet le commandement des troupes maritimes engagées dans le siège de la poche de Lorient et devient, à la Libération, le premier commandant de la marine de la ville libérée 8.

La mairie de Port-Louis. Carte postale, colection particulière.

Après-guerre, Adrien Charrier reprend le cours de sa vie, là où il l’avait laissée. Après avoir récupéré la mairie de Port-Louis, il est élu au Conseil général. Gaulliste convaincu, il abandonne progressivement ses opinons radicales socialistes et se tourne vers le RPF dont il devient le président du comité départemental, entre 1947 et 19489. Fin mai 1958, sa fidélité à l’ancien chef de la France Libre lui vaut d’être élu président du Comité républicain pour le recours au général de Gaulle aux côtés de l’abbé Laudrin et d’Yves Kerrand10. Dix ans plus tard, en 1967, Adrien Charrier quitte définitivement la politique, mais reste président d’honneur des Anciens Français libres du Morbihan11. Il décède le 25 janvier 1980 à Port-Louis.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

 

1 « Mort de M. Marcel Charrier, député-maire de Port-Louis », Le Nouvelliste du Morbihan, 15 février 1934, p. 3.

2 Arch. dép. Morbihan : R 2306, fiche matricule n°210.

3 Arch. dép. Morbihan : R 2134, fiche matricule n°189.

4 Arch. dép. Morbihan : 1526 W 472, notice individuelle d’Adrien Charrier, sans date.

5 « A Port-Louis », Le Petit Lorientais, 28 avril 1935, p. 2.

6 Hervez-Baudin, Pascal, Le Cuirassé Courbet dans l'opération Corncob (ou L'Histoire d'un voyage sans retour), Paris, NEL, 2011, p. 141.

7 Arch. dép. Morbihan : 1480 W 6, extrait du jugement rendu par le tribunal maritime de Toulon, 7 janvier 1943.

8 LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre (1939-1945), Mayenne, Ed. régionales de l’Ouest, 1977, p. 593.

9 RIVIERE, Christophe,  « Les maires du Morbihan (1929-1959) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 113-2, 2006, p. 179.

10 Arch. dép. Morbihan : 1526 W 236, note d’orientation n°30 des renseignements généraux, juin 1958.

11 « Les obsèques du commandant Adrien Charrier », Ouest-France, 30 janvier 1980, p. 8.