Horace Savelli et la poursuite de la Résistance

La date de la fin de la Seconde Guerre mondiale ne fait pas débat. En Europe, la capitulation sans condition du IIIe Reich ne laisse pas de doute, même si, dans la poche de Lorient, la cérémonie officielle de Libération se déroule le 10 mai 1945. En Asie, il faut attendre quelques semaines et les bombardements nucléaires d’Hiroshima et Nagazaki pour que le conflit se termine. Mais dans l’esprit de quelques-uns, comme Horace Savelli, celui-ci dure bien plus longtemps.

Le chateau de la Gascherie, propriété familiale d'Horace Savelli. Carte postale. Collection particulière.

Né le 27 novembre 1906 à Luçon, en Vendée, le comte Horace Savelli est un authentique aristocrate. Le château familial de la Gascherie, situé sur les rives de l’Erdre, est une pure petite merveille, un véritable joyau du XVe siècle apportant une touche italienne en ces terres ligériennes. Est-ce ce sang bleu qui l’attache si viscéralement à la terre et au service des armes ? Rien ne permet de le savoir mais le fait est qu’après avoir effectué son service militaire à Saumur, chez les cuirassiers, dont il sort officier de réserve, il entame une carrière d’ingénieur agronome au sein de l'administration des Eaux et Forêts.

Parti en septembre 1939 comme lieutenant de cavalerie, Horace Savelli est démobilisé en juillet 1940 mais refuse la défaite et rejoint Londres et les Forces françaises libres via Gibraltar. C’est le début d’une remarquable Seconde Guerre mondiale qui, à travers Fort-Lamy, le Fezzan, la redoutable Force L, la 2e DB et la Libération de Paris le voit devenir Compagnon de la Libération. Revenu à la vie civile, il prend la tête d’une importante coopérative agricole à La Chapelle-sur-Erdre, en Loire alors dite inférieure, commune dont il ne tarde pas à devenir Maire. Signe d’une démobilisation tangible, Horace Savelli s’engage au sein du monde combattant, présidant la puissante Union départementale des combattants ainsi que la section des anciens de la 2e DB.

Comme cet ancien Français libre, fait Compagnon de la Libération le 20 novembre 1944, voit-il le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 ? Il est difficile de répondre à cette question. Certes, Horace Savelli est très implanté dans les cercles du Centre national des indépendants et paysans mais on sait que la fidélité à l’homme du 18 juin est de nature à, parfois, transcender les clivages. Pour autant, ce qui est certain, c’est que l’aristocrate ne tarde pas à se muer en véritable opposant, au point de renouer avec la clandestinité. En complète opposition avec la politique algérienne de Charles de Gaulle, il prend la tête de la 3e région de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS) qui couvre la Bretagne et le Grand Ouest. Sous le nom de code de « Marceau-Garin », il déploie une importante activité, développant une intense propagande en faveur de l’Algérie française et constituant des stocks d’armes1.

Appel de la France: le journal de l'OAS n'hésite pas à recycler le vocabulaire de l'Armée des ombres. Collection particulière.

Arrêté le 5 mars 1962 par la police française, Horace Savelli ne fuit nullement ses responsabilités lors de son procès et ne cherche pas à minimiser son engagement. Au contraire, il entend assumer son rôle, action qu’il place d’ailleurs dans le prolongement de la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi qu’il déclare : « Je n’oublie pas, en effet, la dernière mission qui avait été confiée à mon ancien chef FFL, le général Leclerc : conserver l’Afrique du Nord à la France ». Certes, l’argumentation a quelque chose de facile puisque Leclerc, mort en novembre 1947 dans un accident d’avion, n’est plus là pour s’exprimer. Mais il n’en demeure pas moins qu’un tel propos invite à s’interroger sur la démobilisation des esprits après cette Seconde Guerre mondiale qui, à l’évidence, ne se termine pas pour tout le monde en 1945.

Erwan LE GALL

 

 

 

1 Pour de plus amples renseignements se reporter à RICHARD, Gilles, « Le CNIP en Loire-Atlantique, entre De Gaulle et l'OAS : l'effondrement d'un bastion électoral (1958-1962) », LE GALL, Erwan et PRIGENT, François, C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, Editions Goater, 2018 (à paraître).