Joseph Martray, le père du miracle breton

Le 2 juin 2009, le président de la République, Nicolas Sarkozy, déplore la mort d’une « grande figure de l'histoire régionale bretonne » : Joseph Martray. Dans la foulée du chef d’Etat, de nombreuses personnalités politiques lui rendent également hommage. Toutes reconnaissent le parcours et l’abnégation de celui qui, à bien des égards, a contribué à moderniser la Bretagne contemporaine.

Lamballe au début du XXe siècle. Carte postale. Collection particulière.

Joseph Martray nait dans la paisible commune de Lamballe, dans les Côtes-du-Nord, le 14 mai 1914, quelques semaines avant le tragique basculement de l’Europe dans la guerre. Ce fils de commerçant montre très rapidement de belles dispositions à l’école. Au milieu des années 1930, il valide sa licence de lettres à Rennes puis décroche un poste de rédacteur à la préfecture du Loiret, avant de rejoindre celle des Côtes-du-Nord à Saint-Brieuc.

Depuis de nombreuses années, Joseph Martray s’intéresse à la culture bretonne et se rapproche des réseaux régionalistes. De fait, malgré son hostilité précoce à l’égard des Allemands, il écoute avec attention les premiers discours du régime de Vichy sur les régions. Partiellement séduit, il accepte la proposition du préfet régional, Jean Quénette, et intègre le Comité consultatif de Bretagne à la fin de l’année 1942. Un an plus tard, il devient rédacteur en chef du quotidien finistérien La Dépêche de Brest. A ce stade de la guerre, le positionnement officiel de Joseph Martray n’est plus qu’une façade. Cela fait en effet plusieurs mois qu’il résiste au sein du mouvement Défense de la France.

Si ce double-jeu lui vaut d’être arrêté à la Libération, il est rapidement relâché. Il reprend ses activités journalistiques et continue à contribuer à des journaux proches de la cause bretonne. Mais son principal combat, il le mène sur un autre terrain. Conscient qu’il faut moderniser sa région, en retard notamment au niveau des infrastructures et de la structure économique, Joseph Martray participe activement à la fondation du Comité d'étude et de liaison des intérêts bretons (CELIB) en 1950, en liaison avec René Pleven. Il en devient bientôt le principal animateur et contribue à extraire la Bretagne de son image archaïque. C’est cette période de modernité des Trente glorieuses que les manuels scolaires de géographie ont parfois qualifié de « miracle breton ».

Lors de l'assemblée générale du CELIB, le 27 octobre 1973, à Pontivy. Joseph Martray est à droite de la photo. Arch. dép. I&V: 30 J 376. 

Son ancien collaborateur, Georges Pierret, affirme d’ailleurs sans détour que « si Martray n'avait pas été là, avec son volontarisme et son énergie, la Bretagne ne serait pas devenue ce qu'elle est ». Inlassable défenseur de sa région, il dirige le CELIB jusqu’au milieu des années 1970 avec le succès qu’on lui connaît. Publiant lors des dernières années de sa vie de nombreux ouvrages, il termine son existence comme il l’a commencée : en continuant de clamer le merveilleux potentiel de sa Bretagne.

Yves-Marie EVANNO