Le PAJEP : les archives de l’éducation populaire mises en réseau

Le réseau français des services publics d’archives est dense : des Archives nationales, jusqu’aux archives municipales, en passant par les incontournables archives départementales. A celui-ci, il faut ajouter notamment les archives diocésaines, ainsi que les archives privées d’entreprises, d’associations et des particuliers. Si ce maillage territorial est indispensable en ce qu’il permet d’être au plus près du producteur d’archives comme de l’usager ; il peut toutefois vite apparaître comme un dédale pour le chercheur en histoire tant ses sources peuvent se trouver éparpillées aux quatre coins de la France. Face à cela, la réponse peut consister – plutôt qu’à une centralisation accrue des  archives – en la mise en réseau de l’ensemble des acteurs intéressés par la sauvegarde, le classement et la valorisation des archives relevant d’un champ particulier. C’est notamment le cas dans le secteur de la jeunesse et de l’éducation populaire, à travers le Pôle de conservation des archives des associations de jeunesse et d'éducation populaire (PAJEP), créé en 1999 grâce au partenariat entre le ministère de la Jeunesse et des Sports, le ministère de la Culture, les Archives nationales, les Archives départementales du Val-de-Marne et l’Association des déposants aux archives de la jeunesse et de l'éducation populaire (ADAJEP).

Le centre d'éducation populaire d'Houlgate, dans le Calvados. Carte postale. Collection particulière.

Rappelons au préalable qu’en France, le courant de pensée de l’éducation populaire puise ses racines dans les travaux de Condorcet réalisés dans le contexte de la Révolution française. Puis il se structure, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, autour de grands mouvements se référant à des courants idéologiques différents. La Ligue de l’enseignement, tout d’abord, fondée en 1866 par Jean Macé, s’est construite autour de la défense de la laïcité. Elle est ainsi à l’origine des lois Ferry sur l’école « gratuite, obligatoire et laïque ». Ensuite, à partir des années 1890, les Bourses du travail attachées à la figure du syndicaliste révolutionnaire Fernand Pelloutier sont une des émanations de l’éducation populaire au sein du mouvement ouvrier. Enfin, Marc Sangnier fonde Le Sillon en 1894, un mouvement politique et d’éducation populaire inspiré par le christianisme social de l'encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII. Par la suite, sous le Front populaire, les Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active (CEMÉA) se créent au sein du  courant pédagogique de l’éducation nouvelle. Le monde rural n’est pas en reste. Là, l’éducation populaire s’incarne dans les mouvements de la Jeunesse agricole catholique (JAC) fondée en 1929 et de la Fédération nationale des foyers ruraux (FNFR) créée en 1946 à l’initiative de François Tanguy Prigent. Evoquer la création de la Fédération Léo-Lagrange en 1950 par le jeune militant socialiste Pierre Mauroy permet de compléter le panorama des grandes fédérations de jeunesse et d’éducation populaire, sans oublier les différents mouvements rattachés au scoutisme.

Cette multiplicité des mouvements d’éducation populaire engendre mécaniquement une masse considérable d’archives et l’éparpillement des dépôts. C’est ainsi que le PAJEP s’atèle à inventorier l’ensemble des fonds déposés au sein du réseau des archives publiques, des bibliothèques, des instituts ou associations. En outre, les Archives nationales (Pierrefitte) et les Archives départementales du Val-de-Marne (Créteil) sont chargées de conserver les fonds d’intérêt national ou régional pour l’Île-de-France. Si le PAJEP ne propose pas – encore ? – la mise à disposition numérique d’archives, les inventaires des sources dans les différents fonds et centres d’archives ont été mis en ligne et sont aisément exploitable. Ainsi, les fonds d’archives conservés aux Archives départementales du Val-de-Marne et aux Archives nationales sont classés par ordre  alphabétique du déposant, qu’il s’agisse d’une association ou d’une personnalité, avec le lieu, la cote et des indications sur la communicabilité. A cela s’ajoute un guide des sources qui comporte plus de 600 fiches d'associations et de personnalités et qui est régulièrement mis à jour, ainsi que des fiches thématiques sur les auberges de jeunesse, les Maisons des jeunes et de la culture (MJC) ou bien les chantiers de jeunes bénévoles. L’ensemble de ces archives est également valorisé par la mise en ligne régulière du « film du mois », à l’instar de ce « Brécéan, une colonie de vacances de l'été 1950 », issu du fond des CEMÉA.

Le centre d'éducation populaire du Val Flory à Marly-le-Roi. Carte postale. Collection particulière.

Initiative fondamentale pour que puisse s’écrire l’histoire des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, le PAJEP se consacre d’abord à la mise en réseau des archives des grandes fédérations et des personnalités marquantes de l’éducation populaire. Toutefois, pour pouvoir travailler à une échelle plus fine dans ce vaste champ, il faudrait pouvoir mobiliser les archives de petites initiatives locales, comme ce Club des jeunes de Lanester.

Thomas PERRONO