Le 11 novembre 1918 : « le privilège d’une poignée de nations »

Si l’Armistice du 11 novembre 1918 est l’une des dates les plus connues de l’histoire, elle est aussi l’une des plus complexes. Pour la comprendre, il est en effet impératif de se départir non seulement des bornes chronologiques classiques du conflit mais, plus encore, d’un regard centré sur l’hexagone. Pour cela, on ne peut que conseiller la lecture du numéro hors-série de l’excellent magazine Guerres & Histoire intitulé « 11 novembre 1918 La paix vraiment ? »

Une cartographie fine et précise agrémente utilement ce beau numéro hors-série.

Dans un éditorial énergique, Jean Lopez donne le ton en égrenant le statut mémorial de la date du 11 novembre suivant les pays : férié en France bien entendu, mais aussi en Grande-Bretagne, en Belgique et aux Etats-Unis. En Pologne, le 11 novembre n’est pas le jour de la célébration de l’Armistice mais de l’indépendance retrouvée tandis qu’en Italie c’est le 4 novembre qui fait date, « jour de l’unité nationale ». Et bien entendu le directeur de la rédaction de cette remarquable publication ne parle même pas de l’Allemagne, de l’Autriche ou encore de la Turquie… Du coup, le 11 novembre 1918 n’est, selon la belle formule de Jean Lopez, que « le privilège d’une poignée de nations ».

C’est précisément ce que s’attache à montrer ce numéro hors-série de Guerres & Histoire  en proposant en une centaine de pages richement illustrées un panorama de la situation mondiale au lendemain de cet Armistice du 11 novembre 1918. A chaque fois le propos est clair et propose de passionnants portraits qui permettront de rafraîchir bien des mémoires : Mustafa Kemal, Josef Pilsudski, Walther Rathenau, Béla Kun ou encore Eamon de Valera. Autant de destins qui disent bien l’ampleur géographique du coup d’œil que propose ce numéro. De la Sibérie à la Chine en passant par l’Irlande, la Palestine ou encore l’Italie, et même le Turkestan, sans oublier la France et l’occupation de la Ruhr, c’est bien un concentré d’historie globale qui vous est proposé par Guerre & Histoire.

Il faut d’ailleurs insister sur l’importance, du point de vue de l’histoire de la Bretagne, de cette trame de fond internationale. Les espaces ne sont en effet pas hermétiquement clos. Les hommes, comme les idées, voyagent et les histoires non seulement s’interpénètrent mais s’influencent, dévoilant des territoires encore vierge pour la recherche. Si l’influence de la Pâques irlandaise de 1916 sur le mouvement breton est désormais connue grâce aux travaux de Justin D. Stiever, le rôle de la péninsule armoricaine dans la guerre civile qui embrase la Russie après l’armistice de Brest-Litovsk reste encore une vaste terra incognita.

Bien entendu, certains exposés manqueront probablement de complexité et, à vouloir absolument synthétiser des situations particulièrement tourmentées, passeront outre certaines subtilités et nuances. Mais c’est bien une formidable porte ouverte sur ces territoires où se repoussent jusqu’au milieu des années 1920 les limites de la Première Guerre mondiale que propose avec ce hors-série le magazine Guerres & Histoire. On ne saurait donc trop conseiller à nos lecteurs de se le procurer.