Avez-vous pensé à l’annuaire ?

A une époque très lointaine, avant internet et même les débuts du minitel, à une période où le téléphone connaissait un développement exponentiel, c’est par l’intermédiaire d’un gros volume publié tous les ans que l’on pouvait obtenir les coordonnées d’une personne que l’on souhaitait contacter : l’annuaire. Objet aujourd’hui désuet, le bottin n’en constitue pas moins pour les historiens et les généalogistes une source d’autant plus précieuse que rares sont les chercheurs à penser à la consulter.

Annuaires des pages jaunes de la fin du XXe siècle. Archives départementales de la Nièvre.

Pourtant, les annuaires sont une source relativement bien conservée, disponibles dans de nombreux dépôts d’archives départementales et municipales ainsi que dans les fonds anciens des bibliothèques. Ajoutons pour être précis qu’un certain nombre d’annuaires professionnels sont disponibles en ligne sur Gallica, à l’instar du précieux Annuaire de l’Armée française pour qui s’intéresse à l’histoire militaire ou de l’Annuaire de la presse française, assez vite indispensable lorsqu’on travaille à partir de journaux. Les collections sont rarement complètes mais peuvent toutefois constituer un très solide point de départ pour une recherche plus fouillée, à l’image de la cinquantaine d’annuaires du département des Côtes-du-Nord qui peuvent être consultés en seulement quelques clics sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France.

Pour les généalogistes, l’intérêt de cette source est évident : il permet de localiser une personne dans l’espace mais aussi, avec une certaine précision, dans le temps en cas de déménagement. Certes les recherches peuvent être fastidieuses et aléatoires – le succès n’est pas toujours au rendez-vous puisque tous les individus ne figurent pas dans l’annuaire – mais les résultats peuvent être très intéressants.

Quiconque s’intéresse à une commune en particulier, où un quartier ou même une rue, trouvera avec les annuaires une source incontournable permettant, année après année, de dresser une liste d’habitants à partir de laquelle travailler. Bien entendu, l’usage de cette archive doit se faire avec précaution et ne dispense nullement de se rapporter à d’autres sources, telles que les listes de recensement et les registres d’état-civil, les registres du cadastre, les magazines municipaux, ou encore les précieux papiers de la série O. Par ailleurs, on prendra soin de confronter ces données aux chiffres à plus large échelle de la statistique générale de France, afin d’avoir une idée de la conformité ou non à la moyenne de l’échantillon étudié.

Les annuaires sont des très bons outils pour identifier les métiers. Carte photo. Collection particulière.

En d’autres termes, l’annuaire n’est assurément pas l’archive qui se substituera à toutes les autres et évitera des centaines d’heures de laborieux dépouillements. Mais elle peut néanmoins se révéler extrêmement précieuse, y compris parfois dans des optiques assez inattendues. C’est ainsi en consultant l’annuaire d’Ille-et-Vilaine qu’il a été possible d’avancer que 54% des officiers du 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo habitent à la veille de la Grande Guerre dans des maisons dénommées « villas », bien souvent en bordure du Sillon, ce qui donne une certaine idée du rang qui est le leur1. Ce faisant, l’annuaire devient un précieux allié du sociohistorien.

Erwan LE GALL

 

 

1 Pour de plus amples développements, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914 – juillet 1915), Talmont-Saint-Hilaire, éditions CODEX, 2014, p. 33-35.