Un journal éclairant : Le Phare de la Loire

Lorsqu’il souhaite consulter la presse bretonne de la première moitié du XXe siècle, le chercheur se tourne spontanément vers les ressources disponibles gratuitement en ligne. Il dispose, dès lors, d’un choix presque illimité et peut consulter à loisir les principaux journaux régionaux : L’Ouest-Eclair, La Dépêche de Brest, Le Nouvelliste du Morbihan, ou encore Le Moniteur des Côtes-du-Nord. Un titre manque néanmoins cruellement à l’appel : La Phare de la Loire. Rayonnant sur la Loire-Inférieure et le sud-est du Morbihan, il est pourtant l’un des principaux tirages de son époque.

Carte postale. Collection particulière.

Le Phare de la Loire nait officiellement à Nantes en janvier 1852 sous l’impulsion de Charles-Victor Mangin. En réalité, le journal succède à la Correspondance Maritime de Nantes, périodique créée en 1782 et qui connaît de nombreuses appellations jusqu’à sa dissolution, en décembre 1851, pour s’être opposé à Louis-Napoléon Bonaparte. En 1876, Le Phare de la Loire connaît un autre tournant majeur en étant racheté par le républicain George Schwob. Sous sa conduite d’abord, puis celle de son fils Maurice, le journal rencontre son lectorat et s’en suite une forte progression du tirage, d’abord en Loire-Inférieure, puis progressivement dans les départements limitrophes. Mais, à partir de 1899, les ambitions du quotidien nantais sont contrariées par l’apparition d’un rival venu de Rennes : L’Ouest-Eclair.

Lors de la Première Guerre mondiale, le journal se caractérise par une ligne résolument patriotique et, pour tout dire, belliciste. Bien entendu, celle-ci est conforme au discours dominant du moment mais sans doute ce positionnement doit-il aussi être rapproché de la trajectoire de la famille Schwob, d’origine alsacienne et ayant opté pour la France après la défaite 1870. Ceci n’empêche du reste pas Le Phare de la Loire d’être à l’origine d’une initiative qui ne manque pas d’intéresser les historiens. En mai 1916, Maurice Schwob lance effet un appel aux familles nantaises afin de collecter les portraits des soldats ayant obtenu une citation à l’ordre. Les portraits sont ensuite publiés dans le quotidien. La série s’interrompt toutefois en février 1917, lorsque le journal est contraint de réduire son nombre de pages du fait des pénuries. Ce sont malgré tout 702 portraits qui sont publiés. Ces derniers sont consultables en ligne sur le site des Archives municipales de Nantes.

Au milieu des années 1920, Le Phare de la Loire est racheté par Francis Portais. Le quotidien continue d’affirmer sa domination sur la région nantaise malgré la mise en place d’une déclinaison locale du concurrent L’Ouest-Eclair. Dans le sud-est du Morbihan, le quotidien maintient également ses ventes. Il y devance Le Nouvelliste du Morbihan sans parvenir toutefois à rivaliser avec l’inévitable concurrent rennais1.

Carte postale. Collection particulière.

Le Phare de la Loire continue de paraître jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale malgré le bombardement de son siège le 16 septembre 1943. Sa compromission avec l’Occupant lui vaut alors d’être interdit au lendemain de la Libération de la Bretagne. Le 17 août 1944, le communiste Jean Philippot, qui devient maire de Nantes quelques mois plus tard, relance le journal sous un autre nom : La Résistance de l’Ouest. En 1960, le quotidien prend son appellation actuelle : Presse-Océan. Ironie du sort, ce dernier est absorbé en 2005 par Ouest-France, l’héritier de L’Ouest-Eclair

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le Centre d’information du Morbihan au Commissariat général, 25 septembre 1939.