Alphonse Rio, une vie tournée vers la mer

Alphonse Rio est certainement l’un des hommes politiques bretons les plus influents de l’entre-deux-guerres. Ayant commencé sa carrière comme mousse, à l'instar du paysan ministre Tanguy Prigent, il parvient à gravir tous les échelons qui le mèneront jusqu’au ministère de la Marine marchande. Amoureux de la mer, il contribue également à développer les infrastructures portuaires de sa Bretagne natale.

Carte postale. Collection particulière.

Alphonse Rio naît le 28 octobre 1873 à Carnac. Fils d’un capitaine au long cours, il décide très vite d’épouser la même carrière que son père1. Alors qu’il n’a que 15 ans, il s’embarque comme mousse sur un voilier afin d’y apprendre les rouages du métier. Après dix années d’apprentissage et un retour sur les bancs de l’école, il obtient le précieux diplôme qui lui permet de prendre son premier commandement. Mais à 36 ans, le Breton décide subitement de quitter son navire. Il retrouve alors la terre ferme, en devenant inspecteur de navigation à Saint-Nazaire, puis à Nantes. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Alphonse Rio demande à reprendre du service. A bord du patrouilleur Le Courageux, il escorte les navires français qui traversent la Méditerranée pour rejoindre le front d’Orient. L’expérience est cependant de courte durée puisqu’en septembre 1916, il est rappelé à Nantes où il est nommé officier en chef du pilotage de la Loire2 C’est à ce titre qu’il contribue à l’organisation du débarquement des troupes américaines à Saint-Nazaire, et qu’il prend part à la mission Tardieu.

Au sortir de la guerre, alors qu’il cherche à monter une liste d’union républicaine en vue des élections législatives, le ministre de la Justice et maire de Lorient, Louis Nail, parvient à convaincre Alphonse Rio de se présenter à ses côtés. En l’espace de quinze jours, l’ancien marin fait coup double en étant successivement élu député du Morbihan et maire de Quiberon. Son ascension est fulgurante puisqu’en 1921, Aristide Briand lui offre le sous-secrétariat d’Etat à la Marine marchande au sein d’un gouvernement à l’accent breton3. La nomination d’Alphonse Rio est d’autant plus symbolique qu’il récupère un poste qui avait été occupé, quelques années plus tôt, par son mentor Louis Nail, tragiquement décédé en 1920.

En 1924, Alphonse Rio est élu sénateur et quitte dans la foulée son fauteuil de député. En dépit de ses responsabilités nationales, il continue de s’investir dans le développement de sa région. Il utilise notamment ses réseaux nationaux pour œuvrer en faveur d’un grand projet portuaire breton initié, quelques années plus tôt, par Louis Nail4 : c’est la construction du port de pêche de Keroman en 1927, action menée tout en empêchant le démantèlement du port militaire de Lorient. En 1930, Alphonse Rio retrouve une place au gouvernement grâce à André Tardieu qui le nomme sous-secrétaire d’Etat à la Marine. Lorsque la guerre éclate, en 1939, il est une nouvelle fois rappelé par Edouard Daladier pour s’occuper du ministère de la Marine marchande. Il est maintenu dans ses fonctions par Paul Reynaud en 1940.

Le Ministère Poincaré en 1922: Alphonse Rio est au dernier rang, quatrième en partant de la droite. Bibliothèque nationale de France: Rol, 71337.

Le 10 juillet 1940, Alphonse Rio vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain puis se retire à Quiberon où il reste très discret, s’occupant principalement de la gestion de sa commune. Le 16 mai 1945, en tant que maire, il assiste à l’ouverture du charnier de Penthièvre où, quelques mois plus tôt, ont été tués 52 résistants5. Malgré ses 71 ans, Alphonse Rio tente en vain de récupérer son siège de député au sortir du conflit. Comprenant que sa carrière politique est désormais derrière lui, il cède la mairie de Quiberon à Victor Golvan en 1947. Il décède deux ans plus tard, le 13 novembre 1949, à Paris.

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 JOLLY, Jean (dir.), « Alphonse Jean Marie Rio », Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), Paris, PUF, 1960.

2 Archives nationales, 19800035/42/5234, notice c-102426, renseignements produits à l’appui d’un projet de décret portant promotion au grande d’Officier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur, 17 juillet 1947.

3 « Dans aucune combinaison ministérielle précédente, sans doute, les Breton ne se sont trouvés en aussi grande proportion que dans le Cabinet Briand » remarque Le Nouvelliste du Morbihan. On retrouve en effet, Aristide Briand, Gabriel Guist’hau à la Marine, Yves Le Trocquer aux Travaux publics et Alphonse Rio à la Marine marchande. « La Bretagne et le Cabinet », Le Nouvelliste du Morbihan, 18 janvier 1921, p. 1.

4 BOUGEARD, Christian, La Bretagne d’une guerre à l’autre (1914-1945), Paris, Gisserot, 1999, p. 39.

5 LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre (1939-1945), Mayenne, ERO, 1977, p. 625.