Le mouvement social à Fougères au temps du Front populaire

 

Pièce maîtresse de la mythologie des gauches, le Front populaire est une séquence historique unique ayant suscité de nombreuses enquêtes. Fin connaisseur de la période, Daniel Bouffort profite des derniers acquis de l’historiographie pour réinvestir à nouveaux frais le secteur de Fougères, en Ille-et-Vilaine, espace de forte conflictualité politique indissociable de l’industrie de la chaussure.

Par Daniel BOUFFORT

 

Deux éléments permettent de faire fonctionner la complexe machine qu’est la fabrique de l’histoire : de nouvelles sources et, en second lieu, de nouvelles manières d’interpréter la documentation disponible. Le Front populaire examiné à l’échelle de la ville de Fougères, en Ille-et-Vilaine, ne fait pas exception à ce constat.

Carte postale. Collection particulière.

Plusieurs travaux, publiés au cours des années 1980, notamment dans la revue Le Pays de Fougères, ont d’ailleurs commencé à balayer la période. On citera d’abord l’étude de R. Cintré sur « Les élections législatives de 1936 dans l’arrondissement de Fougères » ainsi que nos propres travaux, sur les tailleurs de pierre et les ouvriers de la chaussure1. Ces trois études révèlent qu’au final, la ville de Fougères, pourtant reconnue comme un bastion de la classe ouvrière organisée, semble en retrait de la vague de contestation politique et sociale qui secoue la société française au printemps et pendant l’été 19362. A l’inverse, les centres carriers des environs et quelques secteurs professionnels périphériques à la mono-industrie locale, moins réputés pour leur expérience revendicative, se mettent en mouvement.

Plus de trente ans plus tard, il n’est heureusement pas question de revenir sur ce tableau. Néanmoins, de nouvelles sources invitent à réinvestir à nouveau frais ce dossier. Tenter d’approcher comment une communauté urbaine à dominante industrielle telle que Fougères a traversé cette période et ses problématiques politiques, sociales et économiques, avant de basculer dans les années sombres de la guerre, constitue l’objectif de ce travail.

 

Etat des lieux

Place forte des marches de Bretagne, la ville de Fougères est entourée de campagnes  prospères dont elle a absorbé une grande partie de l’excédent démographique pour construire sa puissance industrielle. Elle offre donc le double visage d’un bastion de la droite catholique, tout en demeurant, malgré la crise économique mondiale qui frappe sa mono-industrie de la chaussure, une place forte d’un mouvement ouvrier organisé.

La crise économique

Dans la première moitié des années 1930, la France est marquée par la conjoncture explosive de la crise économique entraînant dans son sillage un cortège de faillites et de chômeurs. S’ajoutent à ce contexte tendu de nombreux scandales financiers et la prise de conscience du danger fasciste, tant au plan international que national. A Fougères, la situation n’est guère meilleure, La mono-industrie de la chaussure est en effet sévèrement touchée par la hausse du chômage et la baisse des salaires. La grande grève de la chaussure de 1932, qui constitue un véritable tournant dans l’histoire économique et sociale locale, parvient à freiner les velléités patronales visant à baisser significativement le coût du travail3. Elle se conclue néanmoins par une réduction des salaires et est suivie par une aggravation importante du chômage4. Le syndicat général de la chaussure (CGT), majoritaire chez les chaussonniers et conduit par Joseph Fournier, met cette situation sur le compte du développement de la concurrence déloyale entre les centres de production et de la pénétration des produits étrangers. C’est ce qui fonde sa stratégie d’alliance tous azimuts en défense de l’industrie locale5.

Carte postale. Musée de Bretagne:  2005.0014.3.

En réalité, il faut aussi prendre en considération le processus de concentration et d’intégration qui est à l’œuvre au plan national et européen dans l’industrie de la chaussure et contre lequel l’individualisme du patronat local, même allié au volontarisme ouvrier, ne peut pas grand-chose. Il faudra attendre 1935 pour observer une reprise de l’activité et une progression relative des effectifs salariés6. Les autres secteurs professionnels, tels le bâtiment et les centres carriers qui constituent le second pôle d’emplois salariés de la région, subissent la réduction des crédits qui sous-tendent le lancement de toutes les opérations de construction et travaux publics.

Un bastion de la droite catholique

Réfractaire aux évolutions en cours, la région est pour une large part conservatrice. Le courant politique dominant, à Fougères et dans l’arrondissement au début des années 1930, est en effet la droite représentée par des parlementaires tels qu’Alexandre Lefas ou Etienne Le Poullen.

Il s’agit en réalité d’une droite composite où cohabitent deux familles7 : schématiquement, la première recouvre des positions conservatrices voire monarchistes et se réfère à l’Union républicaine et démocratique (URD) et au quotidien rennais Le Nouvelliste de Bretagne ainsi qu’à son hebdomadaire local, le Journal de Fougères. La seconde se situe dans une orbite républicaine modérée et se reconnaît dans le Parti démocrate populaire (PDP) et lit L’Ouest-Eclair et l’hebdomadaire Le Réveil Fougerais. Mais, entre ces deux tendances, la dimension catholique joue un rôle de « ciment idéologique »8. Alexandre Lefas, maire de Mézières-sur-Couesnon, de sensibilité URD est élu député dès le premier tour en 1928 puis réélu en 1932. Son arrivée au Sénat en octobre 1932 provoque une élection législative partielle, ce qui permet à son ami politique – également URD – Etienne Le Poullen, conseiller général du canton de Fougères-sud et maire de Dompierre-du-Chemin, d’être élu député, au second tour, en avril 1933.

Les conseillers généraux de l’arrondissement fougerais élus lors du renouvellement d’octobre 1934, Ambroise De Montigny à Louvigné-du-Désert, Etienne Le Poullen à Fougères-Sud, Henri Le Bouteiller à Fougères-Nord, affichent une sensibilité « Union Nationale », c'est-à-dire de droite franchement conservatrice. Seul le Dr Joseph Fèvre, élu à Saint-Brice-en-Coglès, se réclame du courant radical indépendant. En revanche, les conseillers généraux élus en 1931, Emile Ferron à Antrain et Pierre Morel à Saint-Aubin-du-Cormier, qui avait battu Alexandre Lefas, conseiller sortant, sont radicaux-socialistes.

A Fougères, lors de l’élection municipale de 1935, la liste intitulée « républicaine & d’intérêts économiques » fortement teintée à droite, est conduite par le maire sortant Henri Rebuffé, directeur de la Chronique de Fougères, de sensibilité radicale. Elle est opposée à trois listes républicaines ou marxistes (radicale, socialiste, communiste) qui n’ont pu ou voulu réaliser le front commun. La liste Rebuffé remporte la majorité dès le premier tour (16 conseillers élus sur 27). Ce succès se confirme au second tour puisque l’équipe Rebuffé se renforce de huit nouveaux élus. Seuls trois socialistes parviennent à se glisser dans le nouveau conseil9.

Sur le plan des forces militantes, un rapport confidentiel du sous-préfet de Fougères en date du 1er juillet 1935, dresse un tableau des « groupements et ligues politiques de gauche » en précisant que les événements de 1934 ont entraîné une « légère recrudescence des activités » de ces organisations10. En parallèle, le haut-fonctionnaire met en évidence « l’insuffisance de l’organisation » et « la faiblesse des effectifs » des « groupements et ligues de droite », telles que l’Action Française, les Croix de Feu et la Solidarité Française11.

Un « bastion ouvrier » syndicalement très divisé

Depuis la grève mémorable de 1906, Fougères répond sans conteste à la définition de « bastion ouvrier ». Le mouvement ouvrier fougerais, tant dans sa composante marxiste que chrétienne, et bien que doté d’un réseau complet d’organisations et d’institutions encadrant la population laborieuse dans de multiples domaines12, apparaît profondément éclaté entre trois obédiences syndicales. La fin de la Première Guerre mondiale est en effet marquée à la fois par la scission syndicale CGT-CGTU et par l’émergence du syndicalisme chrétien, dynamisé par les réalisations de l’abbé Bridel.

Carte postale. Collection particulière.

Certes, la CGT, qui bénéficie de son implantation historique parmi les ouvriers de la chaussure et du prestige des grandes luttes victorieuses qu’elle a conduites en 1906 et 1914, domine le mouvement syndical. Au début des années 1930, l’union locale affiche ainsi près de 2 650 adhérents. Outre le puissant et historique syndicat général de la chaussure, elle est implantée significativement aux chemins de fer, dans les imprimeries et les commerces, dans le bâtiment et l’ameublement, chez les municipaux et à l’éclairage.

Pour autant, l’hégémonie qu’elle revendique et le monopole de représentation de la classe ouvrière qu’elle pratique13, notamment lors de la grève de 1932, est contesté de manière permanente par les unitaires de la CGTU, qui compte 330 adhérents, dans la chaussure, le bâtiment et les chemins de fer, mais plus encore par les syndicats chrétiens dont l’influence progresse régulièrement. Ces derniers revendiquent 500 adhérents répartis dans la chaussure, le commerce, le bâtiment, l’habillement et dans ses coopératives amies : le Genêt d’Or, la Cristallerie, l’Abeille…14 De ce fait, entre ces trois organisations, les relations s’exercent sur un mode concurrentiel et très souvent par des échanges polémiques, voire par des rapports personnels plutôt rugueux15. Mais à partir de 1934, la poussée unitaire de la base se développe bel et bien, comme en attestent les tentatives de rapprochement menées, par exemple aux chemins de fer, entre militants CGT et CGTU. Celles-ci sont franchement mal vues des dirigeants de l’union locale CGT16, qui jusqu’à la fin de l’année 1935, même dans ce contexte de poursuite des discussions vers la réunification syndicale, continuent d’échanger avec les unitaires des propos suspicieux ou désagréables.

Les résultats des élections prud’homales de novembre 1935 permettent d’approcher les évolutions du rapport de force au sein du bastion ouvrier fougerais entre la CGT, récemment réunifiée, et les syndicats chrétiens17. Dans la section de l’industrie (catégorie 1- chaussure), Ernest Feuvrier (CGT) l’emporte par 785 voix contre 286 voix à Marcel Robillard (syndicat catholique). Dans la section de l’industrie (catégorie 2- bâtiment et verriers), Pierre Lemarié (CGT, ex-CGTU) l’emporte par 90 voix contre 80 voix à P. Jamois (syndicat chrétien).

En-tête de courrier. Collection particulière.

Bastion de droite tout autant qu’ouvrier, Fougères apparaît au final caractéristique de cette conflictualité grandissante qui parcoure toutes les années 1930.

 

Fougères dans le  « moment 1936 »

Dans ces conditions, le Front populaire apparaît comme un moment aussi paradoxal  que porteur d’espoir  pour le mouvement ouvrier et social fougerais.

De la dynamique d’unité syndicale au rassemblement populaire

Bien que l’activité et l’implantation des ligues nationalistes soient modestes dans le pays fougerais, le mouvement ouvrier local se sent directement concerné par les événements parisiens du 6 février 1934, révélateurs de la réalité du danger fasciste. En réponse à la tentative de putsch antirépublicain que constitue cette manifestation ciblant la Chambre des Députés, l’appel à la grève lancé par les organisations ouvrières nationales pour le 12 février est largement repris localement. Préparée par une réunion le 10 février 1934 à la Maison du Peuple, la journée est, en effet, très suivie dans les usines. Quant au meeting qui réunit salariés et républicains devant la Maison du Peuple, la presse18 met en évidence sa tonalité unitaire. Les socialistes, les confédérés de la CGT, les unitaires de la CGTU, les militants de Jeune République s’y expriment en effet tour à tour. « L’imposante manifestation » qui rassemble entre 2 300 et 4 000 personnes selon les sources, parcourt le centre-ville au chant de L’Internationale et aux cris de « A bas le fascisme ». Un ordre du jour, commun à un très large spectre d’organisations19 est adopté, témoignant de la profondeur de l’émotion et de la réprobation suscitées par les événements parisiens du 6 février dans les milieux ouvriers et républicains de Fougères. Les carriers de Louvigné-du-Désert participent, pour leur part, à cette « levée en masse » en tenant une réunion mobilisant 300 ouvriers.

Dans un article publié le 24 mars 1934 par le Semeur d’Ille-et-Vilaine, Joseph Fournier tire les conséquences pratiques de cette réaction massive du corps social et de sa prise de conscience « de la gravité des événements ». Ce faisant, il annonce la volonté de la CGT de construire un Comité de vigilance et d’action « pour envisager la lutte à mener contre le fascisme ». Et en rupture avec les pratiques habituelles, d’affirmer le souhait que « les adversaires de tendances soient animés du même sentiment d’action » car « s’il en était ainsi, dans un jour prochain, nous pourrions envisager l’unité totale, ce qui serait le prélude des victoires du prolétariat ».Les réalités et les antagonismes de la vie quotidienne reprennent cependant vite le dessus, d’autant que Joseph Fournier accède fin 1934 au secrétariat de la Fédération des cuirs et peaux et, à ce titre, siège désormais au comité confédéral national de la CGT20, ce qui a pour effet de transposer localement nombre de débats et polémiques nationales.

La campagne des élections municipales d’avril-mai 1935 à Fougères montre que l’unité est plus un objectif qu’une réalité. Aucune entente n’a pu, en effet, être réalisée entre les socialistes et les radicaux, comme au temps des traditionnels cartels des gauches, ni avec les communistes. Chacune des tendances qui préconisent le rassemblement populaire pour lutter contre la menace fasciste part donc séparément à la bataille du premier tour pour le bonheur de la liste rassemblant des personnalités de droite mais  conduite par le transfuge du radicalisme et maire sortant Henri Rebuffé. C’est ainsi que 16 membres de sa liste Rebuffé sont élus au premier tour. Pour autant, aucun accord ne peut être conclu au second entre radicaux et socialistes21 et ces derniers, restés seuls en lice ne parviennent à faire élire que 3 des siens  Eugène Trébourg, Joseph Fournier et Edmond Herbert.

Le 14 juin 1935, la Commission administrative de la CGT prend acte de l’évolution de la CGTU sur la question de l’indépendance syndicale vis-à-vis des partis et considère « qu’une partie des obstacles auxquels se heurtait la reconstitution de l’unité » syndicale est levée. L’engagement du processus de réunification syndicale, associé à l’initiative du mouvement Amsterdam-Pleyel d’appeler à des rassemblements unitaires le 14 juillet 1935, constituent les événements fondateurs de la marche vers le Front populaire22. A Fougères, et malgré la persistance des tensions entre CGT, CGTU, SFIO et PCF, un meeting unitaire associant à la tribune Woelffel, Mentec, Joisson, Fournier23 se déroule effectivement le 14 juillet 1935 à la Maison du Peuple, sur le thème de la défense des libertés et contre les menées fascistes. L’initiative ne mobilise guère, de même que la manifestation qui y fait suite… mais, localement, le processus unitaire est néanmoins sur les rails.

Carte postale. Collection particulière.

Les décrets-lois pris par le gouvernement Laval en juillet 1935, lesquels provoquent une déflation des prix, mais aussi une baisse des traitements de fonctionnaires et des pensions, facilitent encore le rapprochement entre les forces de gauche. Début octobre, au lendemain des congrès confédéraux de la CGT et de la CGTU, les discussions sur la « reconstitution syndicale » s’engagent à Fougères dans la chaussure, le bâtiment et chez les cheminots où sont actifs des militants de la CGTU. Le 13 octobre, les deux fédérations des cuirs et peaux se réunissent à Fougères, fixent leur congrès d’unité aux 14 et 15 décembre, constituent une « commission interfédérale d’unité syndicale » destinée à négocier en amont les conditions de la fusion et adressent à leurs syndicats un mode opératoire pour réaliser l’unification à la base. Localement, l’assemblée générale du syndicat confédéré de la chaussure accepte le principe de la fusion sur les bases proposées dans l’accord confédéral « mais à la condition que tout se passe dans la plus parfaite loyauté et la plus grande sincérité »24. Le 8 novembre, René Belin, secrétaire confédéral, vient parler à Fougères du programme de la CGT dans le cadre de l’assemblée générale de fusion des syndicats de la chaussure. Le lendemain a lieu l’élection du conseil du syndicat fusionné. Mais aucun des candidats ex-unitaires (Mentec, Boivent, Fresnel…) n’est élu, preuve que les 15 années de division ont laissé des traces et des inimitiés.

Dans le même temps, la thématique antifasciste rebondit à Fougères. Le 9 novembre une réunion publique est en effet convoquée aux Halles par le publiciste Eugène Delahaye, directeur du journal La Province et propagandiste des idées antirépublicaines. L’autorisation que donne le maire Rebuffé à la tenue de cette réunion est vécue comme une provocation par un large cartel d’organisations de gauche et fait l’objet d’une contre-manifestation. 2 500 personnes y participent, empêchant effectivement la tenue de la réunion et poursuivant la mobilisation par un cortège qui parcourt le centre-ville25. Les confédérés Fournier, Harel et les unitaires Mentec, Boivent, Lormeau, Fresnel… sont en tête de la manifestation.

Deux jours plus tard, le 11 novembre, à l’appel du « cartel de la paix », configuration sensiblement identique à la mobilisation républicaine du 9 novembre, une manifestation pacifiste se déroule comme à l’accoutumée et de manière indépendante de la commémoration officielle, de la mairie au cimetière. Un seul emblème identifie la manifestation pacifiste : une pancarte mentionnant « Front populaire ». Symboliquement, au cimetière, deux discours sont prononcés, l’un dans l’enclos du Souvenir français, l’autre près des sépultures allemandes témoignant de la persistance des thématiques pacifistes chez les militants de gauche. 

Le congrès d’unité de la Fédération des cuirs et peaux se réunit à Paris à la fin de l’année 1935. Le compte rendu que publie le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 28 décembre 1935 laisse penser que celle-ci n’est acquise qu’aux forceps tellement les clivages entre la majorité ex-confédérée et la minorité unitaire sont prégnants. Il en ressort, outre le maintien du siège social de la fédération à Fougères, une composition des instances très cartellisée où la représentation fougeraise est dominante26. Quelques années plus tard, Joseph Fournier conviendra du fait que le « mariage », contracté au congrès de Toulouse27 « manquait d’amitié pour être durable »28. La réalisation de l’unité syndicale (hormis  évidemment les syndicats chrétiens qui se tiennent à l’écart) facilite néanmoins le rapprochement des autres forces républicaines et/ou marxistes, marqué début janvier 1936, par la création d’un comité local du Rassemblement populaire29.

Un mois plus tard, le 24 février 1936, Fougères connaît l’une des plus fortes mobilisations sociales de son histoire, en défense de l’industrie de la chaussure et du cuir. Cette problématique constitue en effet la toile de fond de l’activité du mouvement syndical, toutes tendances confondues, pendant toute les années trente. La « puissante démonstration », qui mobilise plus de 6 000 personnes en cette journée, en constitue certainement l’acmé. Cette question de la défense de l’industrie de la chaussure est complexe et nécessite une approche spécifique qu’il n’est pas possible de traiter ici. Il convient cependant de l’avoir en tête tant il est vrai qu’elle induit beaucoup de positionnements pendant la période du Front populaire mais aussi après, pendant la guerre, sous le régime de Vichy.

La densité des événements politiques et sociaux des derniers mois de 1935 et du début de 1936 impacte naturellement la campagne qui s’ouvre pour les élections législatives, étant cependant précisé que le nouvel objet politique qu’est le rassemblement populaire n’est pas un « cartel électoral » et que les partis qui en sont membres présentent séparément leur candidat. Notons du reste que certaines structures syndicales s’engageront dans la séquence électorale en indiquant aux travailleurs où est leur devoir et en invitant les syndiqués à « travailler au succès de ceux dont les organisations adhèrent au Rassemblement du Front populaire, pour les forcer demain à appliquer son programme »30.

L’élection législative du 26 avril 1936

On sait que les élections législatives d’avril et mai sont marquées par une forte poussée à gauche qui se traduit nationalement par une progression du nombre d’élus du parti socialiste SFIO de 97 à 146 et du nombre de députés communistes de 10 à 72. A l’opposé, l’ouest de la France et la Bretagne sont peu concernés par ce basculement à gauche, la SFIO ne gagnant que 2 sièges en Bretagne et le PCF n’y ayant toujours aucun élu. L’Ille-et-Vilaine n’envoie à la Chambre aucun député se réclamant explicitement du Front Populaire31.

Carte postale. Collection particulière.

Localement, les résultats confirment cette tendance régionale. Le député sortant de la circonscription de Fougères, Etienne Le Poullen (droite républicaine) est réélu confortablement dès le 1er tour avec 52,99% des voix (46,28% des inscrits). Ainsi, par rapport au précédent scrutin législatif32, on assiste à une nette progression de la droite, probablement due à un phénomène d’enracinement d’Etienne Le Poullen et à son implication dans la défense de l’industrie de la chaussure33. Même mouvement pour le radical Roger Joisson qui fait le plein sur son nom des voix radicales, laïques et républicaines. En revanche, à l’inverse de ce qui s’observe nationalement, on note un repli du vote socialiste, sans doute lié au fait que le candidat Emile Helleux dispose d’une moindre notoriété que Joseph Fournier, le leader local de la SFIO34. De son côté, le Parti communiste, représenté par l’ancien fougerais Jean Macé, améliore un peu son résultat, qui reste cependant modeste (2%).

Les résultats sur la seule ville de Fougères corroborent ceux de la circonscription : la droite et le vote radical progressent en voix par rapport à la législative de 1933. Roger Joisson améliore également le score de sa liste municipale de 1935 ; la SFIO, quant à elle, perd sa première place dans la gauche républicaine.

Cette stabilité politique globale et le relatif échec local des partis marxistes du Front populaire aux élections d’avril a sans doute quelques  conséquences sur l’implication de la classe ouvrière du pays fougerais dans le puissant mouvement social de juin-juillet. Ainsi, à la forte agitation des tailleurs de pierre, les fameux picaous, des bassins granitiers de Louvigné-du-Désert, du Coglais et de quelques professions fougeraises, s’opposera la relative inertie du prolétariat de la chaussure, pourtant très expérimenté dans la contestation sociale.

La « belle saison 1936 » du mouvement ouvrier fougerais 

Le 1er mai 1936, qui se situe entre les deux tours des élections législatives, exprime à Fougères un niveau très moyen de mobilisation du prolétariat35. Si les ouvriers observent la consigne du « 1er mai chômé », le meeting traditionnel à la Maison du Peuple, animé par l’orateur parisien Nocautie, secrétaire de la Fédération du Bâtiment, ne déplace qu’environ 600 personnes et n’est pas suivi de la manifestation habituelle. L’après-midi, le bal et la collation à la sortie champêtre de la Penthière semblent faire davantage recette.

L’annonce du succès électoral des partis du Front populaire, le 3 mai, ne semble pas susciter d’enthousiasme particulier à Fougères, à l’instar de Joseph Fournier qui précise simplement qu’il va falloir « redoubler d’activité » « pour avoir la certitude d’une application sérieuse des promesses électorales ». Alors que la vague des « grèves sur place »36 embrase dès le début du mois de mai la métallurgie parisienne, le calme règne dans le nord de l’Ille-et-Vilaine37. Joseph Fournier, qui participe au Comité Confédéral National CGT du 16 juin, analyse le contexte après la signature de l’accord Matignon intervenue le 7 juin :

« Il faut que nous tirions le maximum de la situation présente, que nous gardions le maximum de membres venus vers nous. Les contrats collectifs nous permettrons d’être au contact constant avec les patrons et d’imposer la solidarité entre les travailleurs. »

Son propos s’inscrit également en défense du monopole de représentation de la CGT et à ce titre il s’oppose à ce que les syndicats chrétiens puissent présenter des candidats « délégués d’usine » 38.

Dans le même numéro de l’organe départemental de la CGT, Joseph Fournier fixe la ligne de conduite locale en indiquant qu’il faut « mettre sur pied un contrat contenant les revendications qui ont été adoptées par la Confédération patronale et notre CGT ». En clair, l’objectif est d’obtenir une juste répartition de l’augmentation salariale prévue dans l’accord Matignon ainsi que l’application des congés payés et de la semaine de 40 heures qui résulteront des lois sociales à venir. Et Joseph Fournier d’affirmer : « notre espoir est d’aboutir très rapidement et notre désir est d’éviter l’arrêt de travail ». Dans ce sens et après avoir reconnu l’existence à Fougères « d’esprits avides d’action immédiate », il indique que le Conseil syndical de la chaussure a décidé de « ne rien faire avant d’avoir consulté la Chambre patronale ». Une réunion avec celle-ci est programmée, dans une certaine urgence, le 18 juin, avec dans la foulée une assemblée générale des chaussonniers. Autrement dit, la stratégie arrêtée est donc de négocier « à froid » localement sans « sortie des usines ou d’occupation de celles-ci », en s’appuyant sur la force du mouvement social national, d’appeler les ouvriers à la patience et au sang-froid et à agir « sans emballement ».

Carte postale. Collection particulière.

Au plan politique et en écho aux consignes du comité national du Rassemblement populaire, une grande manifestation destinée à célébrer la victoire électorale de mai et l’avènement du gouvernement Blum se tient à Fougères le 13 juin39. Le chiffre de 3 000 participants au meeting et à la manifestation est avancé par L’Ouest-Journal qui voit dans ce succès le témoignage de la confiance des classes laborieuses envers le nouveau gouvernement et son chef Léon Blum40.

Engagées le 18 juin, les discussions dans la chaussure fougeraise débouchent sur un accord le 26. La délégation ouvrière n’est composée que de militants CGT (Fournier, Beaufils, Chevaucherie, Daniel, Gautier, Turmel) et ne comprend aucun ex-unitaire. L’accord adapte le contrat collectif local existant en appliquant les augmentations salariales prévues dans l’accord Matignon. Le pourcentage d’augmentation est inversement proportionnel aux tarifs aux pièces et à l’heure pratiqués : ainsi par exemple, les remplieuses aux pièces qui sont payées au taux horaire de 2,60 F sont augmentées de 15% ; pour leur part, les piqueuses rémunérées aux pièces sur la base de 3 F sont revalorisées de 13 %. Pour les salariés à l’heure, l’augmentation s’étale selon le tarif horaire de 7% à 15%. Les augmentations seront appliquées dès le 27 juin. L’accord fixe par ailleurs dans le calendrier la période des congés payés : ce sera la semaine contenant le 15 août ainsi que la semaine qui le précède. Il est convenu de préparer l’organisation de l’élection des délégués ouvriers d’usines. S’agissant des 40 heures, on s’accorde par anticipation sur le fait que, dès lors que la réglementation les aura rendues applicables, la semaine de travail s’organisera en 5 journées de 8 heures réparties de 8h à 11h30 et de 13h30 à 18h. Les dispositions de l’accord sur les congés payés font toutefois l’objet d’une contestation de la part des ex-unitaires qui estiment que la délégation ouvrière aurait pu obtenir plus41 et une rumeur se répand en ville selon laquelle Joseph Fournier « aurait touché 10 000 francs de la part du patronat »  pour accomplir cette « sale besogne »42. En réalité, la délégation ouvrière a accepté de transiger sur les modalités de paiement des indemnités de congés payés, de façon à ne pas « gêner » les employeurs ne disposant que d’une faible trésorerie43. Un accord provisoire sur les congés payés sera conclu le 30 juillet et finalisé après la parution du décret d’application, le 29 septembre 1936.

Pourtant saluée par la presse professionnelle, la « tranquillité exemplaire »44 de la « méthode Fournier » semble faire l’objet de critiques qui contraignent le secrétaire à s’expliquer à plusieurs reprises sur le mode « tout n’est pas possible camarade et il faut savoir le comprendre »45 ou « Fougères n’a jamais été en retard »46. Plus précisément, la négociation des contrats est l’occasion de joutes entre les syndicats confédérés et les syndicats chrétiens47, ces derniers, et en particulier dans la chaussure, réclamant de participer aux négociations d’application de l’accord Matignon48 et de mettre ainsi un terme au monopole exercé en la matière par la CGT. Joseph Fournier s’oppose avec la plus grande vigueur à cette perspective, mettant en avant plusieurs arguments 49 :

  • la dualité de la représentation des salariés devant le patronat entrainerait une surenchère des revendications et une division des travailleurs devant un patronat uni,
  • toutes les sensibilités politiques et religieuses peuvent être accueillies et « abritées » dans la CGT,
  • le privilège de la signature est un héritage précieux des anciens, qui ont arraché de haute lutte au patronat, améliorations salariales et contrat collectif,
  • les dirigeants chrétiens sont d’anciens cégétistes50
  • la CFTC, répondant à l’évêque de Rodez, a trahi la grève des gantiers de Millau en 1934 au bout de plusieurs mois de lutte.

Il n’empêche qu’avec la « méthode Fournier », d’autres accords locaux sont conclus « dans les meilleures conditions et dans le calme le plus parfait », pour les employé-es des Nouvelles Galeries51, des transports (chauffeurs, camionneurs, livreurs), les mécaniciens des garages et ateliers ainsi que les ouvriers du bâtiment52.

A la fin de l’année 1936, la moisson sociale s’avère donc fructueuse. Une série d’accords et de contrats collectifs locaux sont actés dans le bâtiment et chez les ouvriers des métaux. Chez les municipaux, des augmentations de salaire et l’annulation de la décision prise par le Conseil municipal de réduire de 5% les traitements à compter de juillet 1934 sont acquises. L’application des « récentes lois sociales » entraine la création de 9 emplois dans les services des hospices civils de Fougères53. Enfin, une revalorisation des indemnités versées par la caisse municipale aux chômeurs est obtenue suiteà l’intervention de Joseph Fournier, en sa qualité d’élu local54. Quant à la chaussure, le contrat collectif signé intègre les acquis de l’accord Matignon, les dispositions de la loi sur les congés payés, l’engagement de la discussion nationale sur les 40 heures, plus des améliorations annexes pour quelques services (coupe pour ce qui est notamment des jeunes ouvriers55 et rabattage, talons et bouts carrés56…). Au plan fédéral, la signature d’une convention collective nationale de la chaussure le 10 décembre 1936 laisse espérer un recul de la concurrence déloyale entre les différents centres de production. Par ailleurs, son application à Fougères par un accord du 24 décembre, entraîne des améliorations salariales « très appréciables »57 et détermine les modalités de l’élection des délégués d’usine58.

Groupe d'ouvriers. Sans lieu ni date. Collection particulière.

Remarquons toutefois que les revalorisations salariales obtenues, aussi significatives soient-elles (7 à 15%), sont à relativiser à un double titre : celles-ci ne compensent que partiellement les amputations subies par les revenus du travail depuis la crise de 1929 et elles seront en grande partie annihilées par la dévaluation et le rebond de l’inflation fin 1936 et au cours de l’année 1937.

Il n’empêche que les ouvrier-e-s fougerais-e-s de la chaussure prennent leurs premiers59 congés payés du 1er au 17 août et c’est cet acquis social qui demeure, encore de nos jours, le plus vivant dans la mémoire des survivants60. L’Ouest-Eclair se livrant à une petite enquête sur ce que font les ouvriers fougerais de ces vacances, rapporte quelques expressions de ces jours heureux : « Nous sommes montés quelques jours sur la côte de Carolles à Saint-Malo », « D’autres y ont seulement envoyés en délégation – quelques-uns des mioches », « Surtout nos fougerais sont allés taquiner les fritures. Les cars, vélos et trains ont chaque jour véhiculé en direction de la Sélune, de l’étang de Chatillon comme des rives du Couesnon les groupes familiaux », et puis, enfin, « on est allé casser la croûte en forêt où déjà les champignons lèvent la tête ou bien dans son courtil que tout fougerais aime parer »61. Et pour celles et ceux qui n’ont pas eu la chance ou les moyens de quitter la ville, rappelons que ce bel été 1936 est ponctué par le succès des fêtes populaires des syndicats, des coopérateurs et du Sport Ouvrier Fougerais62.

Parallèlement à ce premier bilan, il n’est pas sans intérêt de rechercher si l’on enregistre dans la région un mouvement d’adhésions aux organisations ouvrières et si la « ruée syndicale » identifiée par A. Prost63 se vérifie localement. Dès la réunification CGT-CGTU, une campagne de recrutement avait été lancée. La victoire électorale du Front populaire dynamise le mouvement d’adhésions à la centrale. Joseph Fournier rapporte que la fédération des cuirs et peaux enregistre en juin 1936 plus de 1 000 adhésions par jour64. Pour ce qui est du syndicat de la chaussure de Fougères, le secrétaire évoque 65 nouveaux cotisants entre le 1er et le 21 octobre65. Ce qui lui fait dire que « notre syndicat […] est plus puissant que jamais »66. A côté des renforcements de syndicats préexistants, tel le syndicat de la chaussure ou celui des employés du commerce et de l’industrie, où des adhésions de salariés des Galeries Modernes sont mentionnées, on retrouve la trace d’une pénétration dans le milieu du bâtiment où le syndicalisme était faible et divisé, ou encore dans le secteur des ouvriers boulangers et chez les hospitaliers67. Le rapport financier présenté au congrès de l’Union départementale, le 13 décembre 1936, précise que le nombre de timbres pris par l’Union Locale de Fougères serait passé de 23.490 en 1935 à 34.018 en 1936, ce qui signifierait une progression des cotisants de l’ordre d’un millier en quelques mois68 ! Ces éléments nous amènent logiquement à accréditer la thèse de la « vague de syndicalisation sans précédent »69. Pour autant, les données officielles de la préfecture, reposant sur la déclaration des organisations ne confirment qu’une progression somme toute assez modeste et visible qu’à partir du début 1937 pour la CGT70. Si les effectifs des syndicats chrétiens apparaissent stables à l’examen des données de 1936/1937, il faut comparer ces dernières avec celles de 193071. La progression du syndicalisme chrétien est alors patente. De quoi légitimer sa revendication de participer aux négociations contractuelles locales.

En revanche, les élections des délégués d’atelier dans la chaussure du 13 février 1937 semblent être très favorables à la CGT. « Sur 270 candidats qu’elle présentait, 266 ont été élus, contre 3 titulaires et 2 suppléants au syndicat chrétien »72. Quoi qu’il en soit, l’apogée de la puissance syndicale semble être atteinte à l’occasion du 27ème congrès de l’UD CGT, qui se tient à Saint-Malo le 31 octobre 1937. Ernest Chéreau, le secrétaire de l’UD, y déclare : « si cela continue, il ne restera plus personne à syndiquer » ! Moins euphorique, Jean Batas, le secrétaire de l’UL de Saint-Malo tempèrera le propos en précisant que « tenir tout est là, montrer que les mouvements de juin 1936 ne sont pas un feu de paille » et que le « syndicalisme peut non seulement résister mais se développer ».

 

La désagrégation du Front populaire et le repli du mouvement social

Mais si le « moment 1936 » constitue à l’évidence une pièce essentielle de ce qu’il convient bien de qualifier de « mythologie des gauches », le Front populaire est aussi particulièrement révélateur de l’épreuve que constitue la confrontation à la réalité du pouvoir. De la guerre d’Espagne au repli du mouvement social, c’est bien une spirale descendante que donne à voir le terrain fougerais à partir de la mi-1937. Mais celle-ci n’est pas, là encore, sans paradoxes. En effet, on observe dans les semaines qui suivent les élections législatives de 1936 un renforcement du maillage politique de la ville qui se manifeste – pour ce qui est de la SFIO – par le développement de la section des Jeunesses socialistes et l’activité du groupe de femmes socialistes. Par ailleurs,la section socialiste déploie d’intenses campagnes de souscription « pour augmenter [son] action »73 et de vente du quotidien Le Populaire. Le comité de diffusion fougerais semble d’ailleurs particulièrement efficace : il est cité à plusieurs reprises en exemple : 305 exemplaires du journal vendus à la criée le 22 août 193674, diffusion régulière passée de 100 exemplaires à 250 en quelques semaines75. De son côté, l’Humanité du 28 juin 1937 nous apprend qu’Aristide Mentec a « placé » 67 abonnements à l’organe du PC ! De même, les réunions publiques se succèdent à un rythme soutenu afin d’entretenir la mobilisation populaire. Le 12 décembre 1936, Léon Jouhaux, le secrétaire général de la CGT, anime à Fougères un meeting syndical sous les Halles devant plus de 2.000 personnes76.

Répliques espagnoles

La réprobation du coup d’état fasciste et les affres de la guerre civile en Espagne apparaissent dans les préoccupations des syndicalistes de l’arrondissement de Fougères dès la mi-août 1936. Ils le seront jusqu’en 1940. Le syndicat CGT de la chaussure organise rapidement des collectes dans les usines au profit des « camarades espagnols ». En moins d’un mois, une première liste de souscription rapporte 3.361 francs, ce qui constitue une somme significative77. Une seconde souscription est lancée en lien avec la coopérative l’Alliance des Travailleurs qui organise des collectes dans ses magasins et lors des bals, en faveur des enfants espagnols au printemps 1937 puis à la fin de la même année pour équiper les combattants républicains de godillots. Le 1er mai 1938, le film « Cœur d’Espagne » réalisé par des cinéastes américains et diffusé par la Centrale sanitaire internationale est projeté à la Maison du Peuple, après un meeting. On recense au moins quatre militants ouvriers, originaires de Fougères qui s’engagent dans les Brigades internationales, dont deux sont tués au combat. Début 1939, les syndicalistes fougerais s’impliquent encore dans l’accueil et l’aide aux réfugiés, enfants et vieillards, hébergés dans l’ancien orphelinat de la Providence78.

Le conflit espagnol mobilise donc jusque dans le nord-est de l’Ille-et-Vilaine, comme en témoignent de nombreuses manifestations organisées à Fougères. Pour autant, les prises de positions ne peuvent être déconnectées d’un contexte beaucoup plus hexagonal. Ainsi, le 9 octobre 1936 se tient un grand meeting pacifiste où plusieurs intervenants, dont Joseph Fournier, rendent compte du Rassemblement Universel pour la Paix qui s’est déroulé peu avant à Bruxelles et où Jean Sennac, le secrétaire de la fédération nationale des combattants républicains illustre, développe et justifie la position de non-intervention du gouvernement du Front Populaire en Espagne79. Le 11 novembre 1936, 19 organisations membres ou sympathisantes du Front populaire maintiennent leur manifestation pacifiste, parallèle aux cérémonies officielles célébrant l’anniversaire de l’armistice de 191880. Celle-ci rassemble plus de 2.500 personnes81. Le 19 décembre 1936, dans le cadre d’une réunion publique socialiste, le rennais Yves Lavoquer, enseignant à Laval, et le député morbihannais L’Hévéder, viennent expliquer et défendre la politique intérieure et extérieure du gouvernement, notamment sur la question de la non intervention en Espagne, devant un public de 800 personnes et face à la contradiction apportée par le communiste André Farard82.

Franco. Carte postale. Collection particulière.

Le mouvement ouvrier fougerais sait donc user du souvenir, après tout alors pas si lointain, de la Grande Guerre. Le 19 février 1937, au Théâtre Municipal, la section socialiste organise une représentation de la pièce pacifiste de Francis Canelli « Jean Jaurès contre la guerre ». La référence à la situation espagnole est évidente et la mémoire, encore une fois, se révèle bien être l’outil politique du temps présent. En 1937, le Rassemblement populaire organise à nouveau sa propre cérémonie du souvenir et donne l’occasion à Joseph Fournier de prononcer un discours pacifiste et antifasciste, illustré de nombreuses références à la tension internationale en Espagne mais aussi en Chine et en Ethiopie83. Précisons d’ailleurs que la Première Guerre mondiale n’est pas la seule référence historique à apparaître dans le débat public. Comme dans le Morbihan, les séquelles de la contre-Révolution sont encore vives dans ces marches très blanches de Bretagne84.

« Tout n’est pas possible, camarades »

Pour faire face aux offensives idéologiques85 mais aussi à la reconstitution et à la réactivation des formations d’extrême-droite86 contre le Front Populaire et les organisations qui le soutiennent, le mouvement ouvrier fougerais fait flèche de tout bois jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.  En témoignent les activités de l’association sportive le Sport Ouvrier Fougerais (SOF) où les communistes exercent une influence déterminante, et où ses sections cyclisme, football et lutte se développent et se diversifient87. Le SOF organise par exemple une grande fête populaire les 12 et 13 septembre 1936, mais aussi une soirée culturelle au château le 12 juin 1937 avec la pièce de Romain Rolland « les Loups », créée par le Théâtre du Peuple. En cette même année 1937 est créée une section locale du comité national des loisirs, inspirée par le ministère de Léo Lagrange, dont le but est « l’ameublement des loisirs » et notamment « d’occuper gaiement et intelligemment les heures libres récupérées par l’ouvrier sur la besogne journalière », dans le contexte de l’application de la loi des 40 heures. Des dirigeants confédérés ainsi que des militants socialistes et communistes, sont à l’origine de ce comité  qui sera mis en place après une conférence des représentants du ministre88. Une section photographique est fondée en février 193789 ; celle-ci présente ses clichés du château de Fougères à l’exposition universelle. On relève également l’existence d’une section cyclotourisme en avril 1937 et d’une section « jardins ». A noter enfin qu’une auberge de jeunesse sera inaugurée en août 1938, à proximité de l’étang de la Lande d’Ouée90.

La problématique de la sauvegarde des acquis de juin 1936 mobilise fortement les organisations locales jusqu’à l’été 1939. Cela se traduit par de nombreux combats pour le renouvellement et l’ajustement des contrats collectifs locaux aux nouvelles dispositions sociales d’une part, et la reconduction des nouveaux accords ou conventions collectives, d’autre part, lesquels d’une manière générale, n’ont été conclus en 1936 que pour une année. En pratique, une grande activité de négociation marque les années 1937 et 1938 avec de multiples enjeux concernant la mise en place effective des 40 heures91, le maintien des acquis salariaux face à la hausse des prix, l’adaptation des montants des allocations familiales, la préservation de l’indépendance et de la liberté syndicale face aux velléités patronales de faciliter la création de syndicats ou de délégués d’atelier qui leur soient soumis ou redevables92. Le 2 mars 1937 est publié le décret instituant la semaine de 40 heures dans les industries des cuirs et peaux. Il est suivi, une semaine plus tard, par un nouvel accord93 dans la chaussure fougeraise concernant les modalités de son application et ses incidences notamment en matière de rémunération, les tarifs aux pièces et à l’heure étant relevés de 20%94. Au même moment, les délégués d’usine CGT lancent l’idée d’une souscription en faveur des vieux travailleurs résidant à l’hospice Saint-Louis. Cette initiative est représentative de leur conscience d’avoir sensiblement amélioré la condition des ouvriers et de leur volonté de partager cette évolution positive avec leurs anciens qui ont mené les luttes précédentes. On peut interpréter sur le même mode altruiste la bataille menée pour obtenir dans la ville la fermeture des magasins le dimanche, de manière à ce que les employé-es du commerce local puissent bénéficier, à l’instar des ouvriers, des deux jours de repos hebdomadaire consécutifs.

Mais avant même la fin de l’été 1936, le climat social fougerais se modifie radicalement. Le patronat se ressaisit après la grande peur ayant abouti à l’accord Matignon et les opposants au gouvernement du Front populaire se remettent de leur échec électoral. En conséquence, le discours syndical change. La presse ouvrière se fait en effet l’écho d’une l’offensive du clergé contre la CGT dans les bulletins paroissiaux à Rennes et à Saint-Malo95. L’Union départementale appelle, quant à elle, les ouvriers à se méfier de « tout ce qui se prépare contre nous »96, à combattre l’offensive idéologique du « haut patronat », de la presse, de « l’église militante », à se solidariser et à défendre les réalisations du gouvernement de Front Populaire. « Jamais la meute n’avait tant hurlé » s’écrit Jean Batas 97! Dans le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 22 novembre, Joseph Fournier98 explique les difficultés auxquelles est confrontée la CGT : volonté patronale revancharde après les occupations d’usines, intention de briser l’organisation syndicale en s’attaquant à ses représentants et aux délégués d’ateliers, en créant des syndicats professionnels ou chrétiens99, en sanctionnant des adhérents ou des dirigeants CGT, en dépit des contrats collectifs signés et des lois votées au Parlement. Puis, à différents échelons, les structures syndicales dénoncent le sabotage de la reprise économique et réclament du gouvernement la mise en œuvre d’une politique de grands travaux susceptible de réduire significativement le chômage notamment dans le bâtiment100.

Carte de militant CGT. Collection particuière.

C’est dire si l’euphorie de la victoire électorale et des succès revendicatifs cède en quelques mois – au moins chez les dirigeants de la gauche syndicale et politique – à l’inquiétude et à la nécessité, avant toute chose, de consolider les organisations ouvrières et leur unité, de faire front à l’offensive idéologique des adversaires et naturellement de préserver les acquis sociaux tout en rejetant les « excitations », « provocations » et autres « mouvements impulsifs ». L’hommage local rendu à Roger Salengro, qui s’est suicidé suite à une campagne calomnieuse de l’extrême-droite, donne lieu à « une belle réunion », le 27 novembre, à la Maison du Peuple où l’on projette le film des obsèques du ministre101. De son côté la direction de la CGT engage le gouvernement à légiférer sur la mise en place de « procédures » de conciliation et d’arbitrage visant à réguler les conflits entre droit du travail et droit de la propriété par des discussions et solutions juridiques, réduisant ainsi les risques de grèves, lock-out  et occupations102 Joseph Fournier le martèle  : « tout n’est pas possible, camarades, il faut savoir le comprendre ».103 C’est cette ligne qui sera défendue jusqu’à la fin de la séquence du Front populaire par les dirigeants fougerais.

Un climat social et économique détérioré

La mobilisation politique et sociale du prolétariat reste donc une préoccupation de premier ordre dans le contexte économique difficile que rencontre rapidement le Front populaire : échec de la dévaluation, progression du déficit budgétaire, hausse des prix, défaut de trésorerie… Quelques semaines avant la démission du premier gouvernement Blum en juin 1937, le 1er mai est marqué par une importante mobilisation sociale, notamment à Rennes et dans la région malouine. A l’inverse, à Fougères, la participation au meeting animé par un dirigeant de la Fédération des Travailleurs de l’Etat est faible (400 personnes au meeting à la Maison du Peuple). En revanche, il y a foule le lendemain à la fête des syndicats à la Penthière104. Quelques jours plus tard encore, le samedi 9 mai, une affluence modeste assiste à une réunion publique d’anniversaire et de soutien au Front Populaire, animée par le député communiste de Seine-et-Marne Roger Benenson et le secrétaire de la fédération CGT des mineurs René Bard. Et encore, le 12 juin, 500 vieux travailleurs, exclus du bénéfice des assurances sociales en 1930, se réunissent sur la revendication d’une retraite pour les salariés âgés. Ils renouvellent leur action avec une manifestation le 6 novembre.

Conséquence concrète de ce maintien du rapport de force, le résultat des élections cantonales d’octobre 1937, dernière consultation d’avant-guerre qui ne concerne que le canton de Fougères-Nord, atteste d’un maintien de l’influence, voire d’un progrès électoral des partis appartenant au Front Populaire. Même si le candidat conservateur, le vicomte Le Bouteiller, maire de Fleurigné, est réélu dès le 1er tour avec plus de 56,53% des voix105, les candidats des partis du Front Populaire font bonne figure, notamment à Fougères-ville où ils sont majoritaires106

La chute du gouvernement Blum le 19 juin 1937, se heurtant à la majorité sénatoriale qui lui refuse les pleins pouvoirs financiers,107 n’est pas vécue localement et dramatisée comme un échec rédhibitoire du mouvement populaire. Sans doute le mouvement ouvrier et social fougerais considère que des ministres socialistes demeureront au cabinet et que le Front Populaire n’est pas mort. Le mot d’ordre est alors

« pas un pouce de terrain ne doit être céder à l’adversaire. Toutes les lois sociales doivent être défendues… »108

Le sentiment général d’amélioration des conditions de vie perdure jusqu’à ce que la perspective d’une nouvelle dégradation de la situation de l’industrie de la chaussure n’apparaisse à la fin 1937109. On observe alors un durcissement des relations sociales dans la ville et à sa périphérie. Les premiers signes viennent des difficultés de paiement des congés fixés du 1er au 16 août110, puis de graves conflits qui surviennent à Ernée, à la maison Barret et à Vitré, chez Noël111. Localement, des tensions se font jour dans certaines usines à propos du droit de réunion, des collectes de solidarité ou encore du volume de travail distribué aux ouvrier.e.s à domicile, ce qui provoque une remobilisation ouvrière dans la chaussure. Le 28 juillet, en effet, répondant à une journée nationale appelée par la Fédération des cuirs et peaux, le Syndicat général de la chaussure rassemble 2.500 personnes lors d’un meeting, suivi d’une manifestation. Il s’agit de défendre un certain nombre d’acquis nationaux des mois précédents tels que l’échelle mobile des salaires dans tous les centres de production, le contingentement des importations de chaussures étrangères, l’unification des modalités du paiement des congés, la modification de la loi sur l’arbitrage112, le respect des lois sociales votées, le respect des conventions collectives et du droit syndical, la prorogation de la loi de défense de l’industrie de chaussure…113. Mais c’est surtout à la fin de l’année 1937 que le climat se détériore : plusieurs petites usines ferment en octobre et la fédération patronale de la chaussure, ayant dénoncé la convention collective nationale, souhaite revenir sur certaines dispositions (dont l’échelle mobile) pour faire éclater la convention en accords régionaux et intégrer aux discussions et à la signature les syndicats chrétiens114.

S’ajoutent à ces circonstances les effets des changements quasi concomitants à la direction des syndicats ouvriers. Ainsi, Joseph Fournier n’est pas reconduit comme secrétaire général de la Fédération des cuirs et peaux qui a tenu son congrès en mars 1937, après avoir connu une véritable explosion de ses effectifs en moins d’une année (de 12 500 syndiqués en juin 1936 à plus de 80 000 début 1937). Sa position contre le cumul d’un mandat à la direction fédérale et d’un mandat parlementaire est battue115. Une affiche anonyme collée sur les murs de Fougères prétend que Fournier a été « débarqué » du secrétariat de la fédération. L’intéressé y répondra sereinement dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine116. Etait-ce la volonté de Fournier de ne pas quitter Fougères avec pour conséquence de renoncer à poursuivre son rôle de permanent fédéral à Paris où le siège de la fédération a été re-transféré ? Ou s’agit-il d’une marque d’opposition à la main mise de la tendance communiste sur la fédération, à la faveur du gonflement de ses effectifs 117? C’est là une question qui reste ouverte… Dans le même temps, Gérard Leconte est remplacé à la direction des syndicats chrétiens fougerais par Hubert Johner, ouvrier sellier venu de l’Aube où il était président de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne.

Lors du congrès de la JOC à Paris, en 1937. Carte postale. Collection particulière.

Au final, l’exemple de Fougères parait dire toute la complexité du « moment 1936 ». Bastion catholique et conservateur mais espace également caractérisé par un mouvement ouvrier et social puissant et bien structuré, l’arrondissement témoigne pourtant d’une mobilisation finalement assez limitée du prolétariat local. Ainsi, c’est plutôt dans les semaines qui suivent la vague nationale des grèves qu’on observe un regain de conflictualité, avant tout pour préserver les avantages acquis par le mouvement social et traduit dans le droit du travail par le gouvernement du Front populaire. Mais, las, comme si une fenêtre d’opportunité se refermait, le rapport de force ne tarde pas à se renverser.

Dans la chaussure, les discussions sont ardues et s’enlisent. Le patronat exige en effet des ouvriers qu’ils renoncent aux acquis sociaux homogénéisés par la convention collective nationale afin d’éviter la concurrence déloyale entre les centres de production alors que parallèlement l’action ouvrière est sollicitée pour obtenir une prorogation de la loi protectionniste Le Poullen. Dans le contexte d’une remontée importante du chômage à Fougères, on sent que le rapport de force local de l’année 1936 n’est plus là  : c’est ainsi que  « contraint[s] et forcé[s] »118, le syndicat général de la chaussure signe un accord début mars 1938 qui abandonne 10 centimes de l’heure sur la prime de vie chère, ce qui est admis comme un « recul accompagné d’un sacrifice sans précédent » par rapport à la convention collective nationale signée en 1936 et prorogée par une loi jusqu’à fin mars 1938119. Trois mois plus tard, le patronat local pousse l’avantage et s’attaque au dispositif de paiement des congés de 1938. La délégation ouvrière et le conseil syndical sont contraints d’accepter ses propositions qui consistent à calculer l’indemnité de congés sur la base de 4% des salaires perçus pendant l’année précédente. Mais ils sont désavoués par l’assemblée générale des syndiqués qui veut s’en tenir aux modalités de l’ancienne convention collective. Le litige est finalement tranché par une procédure d’arbitrage qui s’avèrera défavorable aux salariés120.

C’est également en mars 1938 que le comité du Rassemblement populaire, toujours actif à Fougères, prend ses distances avec l’orientation « Union nationale » du gouvernement, considérant que « les périls extérieurs ne doivent pas remettre en cause les réformes sociales ni la lutte contre les puissances d’argent ». Il réclame par ailleurs « l’ouverture de la frontière espagnole pour faire cesser autant que possible le lâche assassinat d’un pays libre par des étrangers »121. Le 1er mai 1938122, malgré la présence à Fougères de Jeannot, secrétaire fédéral des cuirs et peaux et la projection du film « Cœur d’Espagne », la mobilisation ouvrière est encore présente mais n’est plus conquérante.

C’est alors le début d’une période polarisée par la tension internationale née de la crise des Sudètes et par la désagrégation du Front populaire, qui éclate de fait en août 1938, lorsque le Président du Conseil Edouard Daladier remet en cause la semaine des 40 heures, avec l’argumentation « il faut remettre la France au travail ».

Daniel BOUFFORT

 

 

 

 

1 CINTRE, René, « Les élections législatives de 1936 dans l’arrondissement de Fougères », Le Pays de Fougères, n°40, 1982 p. 7-14 ; BOUFFORT, Daniel, « 1936 : les picaous tiennent le haut du pavé », Le Pays de Fougères, n°59, 1986, p. 21-24 et BOUFFORT, Daniel, « Fougères, un p’tit 36 dans la chaussure », Mémoires d’Ille-et-Vilaine, 1986, p. 9 à 13.

2 Parmi une bibliographie particulièrement conséquente, on mentionnera au niveau national BERGOUGNIOUX, Alain (dir.), « 1936-2006, recherches sur le Front populaire », Recherche socialiste, n°35, 2006 ; BRUNET, Jean-Paul, Histoire du Front populaire : 1934-1938, Paris, Presses universitaires de France, 1991 ; GIRAULT, Jacques, Au devant du bonheur, les Français et le Front populaire, Paris, CIDE, 2006 ; JACKSON, Julian, The Popular Front in France ; Cambridge, Cambridge University Press, 1988, MARGAIRAZ, Michel et TARTAKOWSKY, Danielle, L’Avenir nous appartient. Une histoire du Front populaire, Paris, Larousse, 2006 ; MORIN, Gilles et RICHARD, Gilles (dir.), Les deux France du Front populaire. Chocs et contre-chocs, Paris, L’Harmattan, 2008 ; ORY, Pascal, La belle illusion. Culture et politique du Front populaire, Paris, CNRS Editions, 2016 ; VIGNA, Xavier, VIGREUX, Jean et WOLIKOW, Serge (dir.) ; Le pain, la paix, la liberté. Expériences et territoires du Front populaire, Dijon, EUD, 2006 ; VIGREUX, Jean, Histoire du Front populaire. L’échappée belle, Paris, Tallandier, 2016. Sur un plan plus strictement breton, on renverra à LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1936, Le Front populaire vu de Bretagne, Rennes, Editions Goater, 2016 et SENECHAL, Jean-Paul, Finistère du Front populaire. 1934-1938. Lutte pour l’hégémonie et logique de blocs, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018.

3 Nous nous permettrons de renvoyer à nos articles parus sur ce sujet dans la revue le Pays de Fougères, n°42, 43 et 44 /1983 et intitulés « la grande grève de la chaussure : Fougères 1932 ».

4 L’application du contrat signé en 1932 aboutit à une baisse de la fraction variable du salaire ouvrier, constituée par l’indemnité de vie chère de 2% pour le second trimestre 1935, de 4% pour le dernier trimestre 1935, de 4% pour le premier trimestre 1936. Arch. mun. Fougères : 54 Z 01, compte-rendu de réunions de la Chambre syndicale des fabricants de chaussures de Fougères.

5 On se permettra de renvoyer à notre article BOUFFORT, Daniel, « Défense de l’industrie de la chaussure (1930-1940) protectionnisme et xénophobie », Art et Histoire, pays de Fougères, publication XXX, 2017, p.10 à 27.

6 Arch. mun. Fougères : 5F5-1 : 2.200 chômeurs sont inscrits à l’Office Municipal de placement gratuit en septembre 1932 ; 650 demeurent inscrits en octobre 1934, 425 en novembre 1935 et 290 en novembre 1936. 

7 Pour de plus amples développements REMOND, René, Les Droites en France, Paris, Aubier, 1985 et RICHARD, Gilles, Histoire des droites en France de 1815 à nos jours, Paris, Perrin, 2017.

8 Il faut se représenter la grande influence politique dont dispose alors dans la région une formation telle que la Fédération Nationale Catholique qui structure les territoires par l’intermédiaire du clergé. La « défense de l’école privée confessionnelle » est instrumentalisée comme une délimitation politique majeure ; voir à ces sujets SAINCLIVIER, Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, Vie politique et sociale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996, p. 79 et suivantes

9 Les socialistes regrettent naturellement ce relatif échec et le mettent sur le compte des prétentions exagérées des radicaux-socialistes, conduits par l’avocat Joisson et l’ancien maire Woelffel, qu’ils rendent responsables et de la dispersion des forces de gauche au premier tour et de l’absence de liste unitaire au second. A noter que les socialistes invoquent un argument sociologique pour expliquer leur score modeste du premier tour : « Le départ d’un bon nombre d’électeurs vers les quartiers excentriques », c'est-à-dire les quartiers des Cotterêts (relevant de la commune de Laignelet), de la Madeleine (relevant de la commune de Lécousse)…Le départ tout court de certains électeurs socialistes « vers d’autres centres industriels » suite à la crise profonde que traverse la chaussure locale, est également invoqué par l’Aurore d’Ille-et-Vilaine du 11 mai 1935.

10 Arch. dép. I&V. : 1M 159. Le sous-préfet estime ainsi, pour l’ensemble de l’arrondissement, l’effectif du parti communiste à 250 membres et celui du parti socialiste à 1400 adhérents. Si ces données nous paraissent erronées pour la SFIO (ce chiffre semble davantage correspondre à l’effectif départemental) et surévalués pour le PC, les dénombrements avancés pour la Libre Pensée (50) et la Ligue des Droits de l’Homme (150) nous semblent plausibles.

11 L’Ouest-Journal relate cependant dans son édition du 25 juin 1935 la distribution de tracts pro-hitlériens dans les boites aux lettres fougeraises.

12 A côté des structures syndicales à proprement parler (CGT, CGTU, CFTC), on recense de nombreuses organisations « amies », qu’elles soient de sensibilité républicaine, marxisante ou chrétiennes : coopératives de consommation (l’Alliance des Travailleurs, l’Etoile), de production (L’Emancipation, le Magasin de Gros, la Cristallerie, l’Abeille, l’Arvor, le Genet d’Or…), de logement (Le Foyer Fougerais) et même de banque (Banque coopérative) ; sociétés de solidarité (Vieux Travailleurs, Caisses de chômage, Secours Ouvrier International, Secours Rouge, syndicat des locataires), d’assurances sociales (Caisse Le Travail, Caisse des assujettis aux groupements catholiques), d’anciens combattants (Groupement Républicain des Anciens Combattants, association des mutilés), sportives (Sport Ouvrier Fougerais)…. 

13 Jusqu’à refuser de communiquer au syndicat unitaire ou au syndicat catholique les contrats d’usines. Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 27 janvier 1934.

14 Les effectifs syndicaux sont tirés des services préfectoraux. Arch. dép. I&V : 10 M 87.

15 Les échanges conflictuels, par presse interposée, entre Joseph Fournier (secrétaire du syndicat général de la chaussure et de l’UL CGT) et son homologue CGTU Aristide Mentec sont récurrents et parfois proches de l’insulte. Ce dernier, quelques semaines avant la réunification syndicale, se fait ainsi traiter de « jésuite rouge » dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 29 juin 1935 ; quant au leader du syndicat catholique, Gérard Leconte, il est qualifié de « pantin » [des banquiers] dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 22 février 1936.

16 Les cheminots fougerais (comme les malouins et les rennais) font, en effet, une expérience unitaire en constituant un syndicat unique (réunissant adhérents CGT et CGTU) en juillet 1934, ceci malgré l’hostilité des structures interprofessionnelles comme en témoigne un vigoureux article de C. Beaufils dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 11 août 1934, intitulé « Action d’unité ou action de mensonges ». Voir à ce sujet THOUROUDE, Jacques, « Réunification syndicale CGT/CGTU », Mémoires d’Ille-et-Vilaine, n°3, juin 1986, p. 15 à 25.

17 Bien qu’à relativiser en raison de la faible participation à ce scrutin.

18 Ouest-Eclair du 13 février 1934, Le Populaire du 19 février, L’Humanité du 16 février, le Semeur d’Ille & Vilaine du 24 février 1934.

19 Les organisations suivantes adoptent l’ordre du jour : CGT, CGTU, Parti Socialiste SFIO, Parti Communiste, Ligue des Droits de l’Homme, Jeune République, Groupe Républicain des Anciens Combattants, Comité de lutte contre la guerre, Fédération Générale de l’enseignement primaire et secondaire, syndicats des PTT, Cheminots, Gaziers, électriciens, Secours Ouvrier International, Sport Ouvrier Fougerais, Secours Rouge. A noter que le conseil du syndicat chrétien n’appelait ni à la grève ni à manifester « ceci afin de ne pas se solidariser avec un mouvement qui n’est que politique ». Ouest-Eclair du 11 février 1934.

20 J. Fournier prend la direction de la Fédération des cuirs et peaux à la suite de la mise à l’écart de Marius Roux, convaincu de malversations. Le siège de la fédération est transféré à Fougères. C’est ce qui explique qu’il y aura une forte intrication, à Fougères, entre les débats locaux et nationaux, d’autant que Joseph Fournier siège par ailleurs au Conseil Supérieur du Travail à partir de juillet 1935.

21 Un désaccord persiste sur la répartition des sièges restant à pourvoir. L’Aurore d’Ille-et-Vilaine, 11 mai 1935.

22 Si, au plan politique, un rapprochement entre la SFIO et le PCF est initié au niveau national le 11 juin 1934 à la suite du tournant de l’Internationale communiste, le pacte fondateur du Rassemblement populaire n’est conclu que le 27 juillet 1934 et le Parti radical ne le rejoindra – d’ailleurs de manière fort ambiguë – qu’à son congrès d’octobre…1935. Il faudra cependant encore attendre janvier 1936 pour que s’organise officiellement à Fougères la déclinaison locale de cette structure unitaire.

23 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 27 juillet 1935.

24 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 19 octobre 1935 et Le Populaire du 14 octobre 1935.

25 Arch. mun. Fougères :  2J 8-1 : Rapport du commissaire de police. Le Réveil Fougerais du 16 novembre 1935 reproduit le récit de cette réunion que donne Delahaye dans son journal La Province.

26 La commission exécutive comprend 9 ex-confédérés (dont les fougerais Fournier, Harel, Chevaucherie, Bouillon, Daniel, Beaufils) et 6 ex-unitaires (dont les fougerais Mentec, Gautier, Boivent). Le bureau fédéral comprend 4 ex-confédérés (dont les fougerais Fournier, secrétaire général, Harel, trésorier, Chevaucherie) et 4 ex-unitaires (dont les fougerais Mentec, secrétaire-adjoint et Gautier, trésorier-adjoint). 3 fougerais (sur 5) composent la Commission de contrôle : Raimbault (ex-confédéré), Genouel et Mme Boivent (ex-unitaire). Mme Boivent est la seule femme siégeant dans une instance de la direction fédérale.

27 Le congrès confédéral de Toulouse qui se déroule en mars 1936, scelle la réunification syndicale.

28 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 2 février 1940.

29 Le comité local du Rassemblement populaire réunit : les partis socialiste, communiste et radical, la Libre Pensée, Jeune République, l’Association des mutilés, la Ligue des Droits de l’Homme, la CGT, les jeunesses socialistes, le Secours Ouvrier International, le Groupe Républicain des Anciens Combattants.

30 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 26 avril 1936.

31 BOUGEARD, Christian, « Le Front populaire en Bretagne, une mise en perspective », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1936…, op. cit., p. 18-55.

32 Il s’agit, pour la circonscription de Fougères du scrutin partiel des 2 avril 1933 (1er tour) et 9 avril 1933 (2e tour) qui fait suite à la démission de l’ancien député Alexandre Lefas, élu sénateur.

33 Etienne Le Poullen est crédité d’avoir mené à bien le vote de la loi « tendant à protéger l’industrie et le commerce de détail de la chaussure » du 24 mars 1936, d’ailleurs dite « loi Le Poullen ».

34 Joseph Fournier qui était le candidat SFIO en 1933 ne pouvait, aux termes des statuts de la CGT, briguer un mandat parlementaire du fait qu’il exerçait la responsabilité de secrétaire de la fédération des cuirs et peaux.

35 Ouest-Eclair du 2 mai 1936 et le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 10 mai 1936.

36 C’est ainsi qu’on qualifie alors cette nouvelle forme de lutte que sont les occupations d’usines.

37 BOUFFORT, Daniel, « Les luttes sociales sur la côte d’Emeraude au temps du Front populaire », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1936…, op. cit., p. 108-130.

38 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 21 juin 1936. Le Comité Confédéral National est le « parlement » de la CGT au sens où il réunit les secrétaires généraux des fédérations professionnelles et des unions départementales.

39 Il est significatif que ce rassemblement, nationalement fixé au dimanche 14 juin, soit avancé à Fougères au samedi 13 juin, pour ne pas coïncider avec la Fête-Dieu, ainsi que le justifient les organisateurs dans une lettre au maire - Archives Municipales de Fougères, 2J 8-1.

40 Ouest-Journal du 14 juin 1936.

41 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 20 août 1936. Dans un compte rendu de l’assemblée générale du syndicat de la chaussure sur les congés payés, Joseph Fournier fait part de ses états d’âme vis-à-vis des ex-unitaires considérant que « rien n’a été oublié du passé et que la lutte sournoise et démagogique » a réapparu.  

42 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 15 aout 1936.

43 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 8 septembre1936. La transaction porte sur l’étalement du paiement des deux semaines de congés payés : le tiers au départ puis le reste à raison de deux jours par mois. Des délais supplémentaires sont accordés aux patrons « gênés » en trésorerie.

44 Cette expression est employée par le Franc parleur parisien, revue nationale de la chaussure et est citée par L’Ouest-Eclair du 2 juillet 1936.

45 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 24 octobre 1936 à propos de la négociation des contrats et des revendications salariales qui surviennent après le relèvement de juin.

46 Le Travailleur des cuirs et peaux, publication de la fédération CGT - aout 1936.

47 Il est à noter que tandis que la négociation entre les délégations patronale et CGT se déroulent, les syndicats chrétiens sont mobilisés pour la préparation de la grande fête populaire, organisée en vue de l’érection du monument à la mémoire de l’abbé Bridel.

48 Archives mun. Fougères : 54 Z 01, compte-rendu de réunion de la Chambre syndicale des fabricants en chaussure du 22 janvier 1937. Le syndicat chrétien avait demandé explicitement à participer aux discussions dans le cadre d’une délégation ouvrière intersyndicale. Ce qui vaut à son secrétaire Gérard Leconte, une réponse aussi triomphaliste que partisane de Fournier et un échange de courriers entre les deux secrétaires, publiés dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 2 juillet 1936. Le syndicat chrétien semble mener cependant des contacts séparés avec la Chambre patronale comme en atteste un compte-rendu de réunion.

49 Le Travailleur des Cuirs & Peaux, août 1936.

50 Fournier s’en prend volontiers et régulièrement à Gérard Leconte, secrétaire de l’union des syndicats chrétiens de Fougères et transfuge de la CGTU.

51 Ceux-ci obtiennent les mêmes avantages que ceux obtenus par les employé-es des Grands Magasins de Rennes qui ont mené une grève avec occupation pendant 4 jours. L’Ouest-Eclair du 27 juin 1936.

52 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 2 juillet 1936.

53 L’Ouest-Eclair, 3 avril 1937.

54 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 8 septembre 1936.

55 Rectificatif au contrat collectif en date du 5 octobre 1936 publié dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 10 octobre 1936.

56 Accords du 7 octobre 1936, Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 24 octobre 1936.

57 La prime horaire de vie chère est fixée de 0,5F pour les hommes, 0,375 F pour les femmes, 0,25F pour les jeunes au-dessous de 17 ans – Le Travailleur des Cuirs et Peaux, décembre 1936.

58 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 2 janvier 1937.

59 Il n’est pas tout à fait juste de dire que les ouvriers fougerais ne connaissaient pas les congés payés avant 1936. Certaines entreprises, et notamment les coopératives, accordaient depuis quelques années déjà une semaine de congés payés à leur personnel.

60 Nul n’est besoin d’un long entretien pour prendre la mesure du bonheur ressenti à l’époque par cette jeune ouvrière de 14 ans (Juliette Derennes) qui relate avec émotion son escapade d’une journée à Saint-Malo « avec les filles de l’usine » dans sa « robe en piqué blanc ». Témoignage oral recueilli en juin 2016.

61 Ouest-Eclair du 14 août 1936.

62 Le quotidien l’Ouest-Journal qui patronne la fête du Sport Ouvrier rapporte la participation de 3.000 personnes aux concerts donnés par la Chorale Populaire de Paris et l’Harmonie Fougerais. Le caractère engagé de cette initiative qui fait une large place au répertoire des « chants prolétariens français et étrangers », permet l’expression de « l’émotion fraternelle éprouvée par les membres et les sympathisants du Front Populaire Fougerais » vis-à-vis de « leurs amis politiques de l’autre bord des Pyrénées ». L’Ouest-Journal du 14 septembre 1936.

63 PROST, Antoine, La CGT à l’époque du Front Populaire 1934-1939, Paris, A. Colin, 1964, p. 211-212.

64 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 21 juin 1936.

65 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 24 octobre 1936.

66 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 22 novembre 1936.

67 Une section du syndicat des communaux est créée aux hospices civils courant 1937 (23 adhérents) Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 9 octobre 1937.

68 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 22 novembre 1936.

69 Cette formule semble pleinement adaptée aux effectifs de la fédération CGT des cuirs et peaux qui croissent de 12.000 en 1934 à 78.000 en août 1936 – J. Fournier dans l’Ouest-Eclair du 21 août 1936 et dans Le Travailleur des Cuirs & Peaux, juillet-août 1936.

70 Arch. dép. I&V : 10 M 87 et 1 Z 18.

71 En 1930, les documents préfectoraux attribuent 230 adhérent-es au Syndicat des ouvriers catholiques de la chaussure et 502 à l’Union Locale des syndicats chrétiens (CFTC). Mais au 1er janvier 1936, le syndicat de la chaussure déclare 1831 membres et l’Union Locale recense 2434 syndiqués.

72 Le Populaire, 5 mars 1937. Le rapport de force entre confédérés et chrétiens évolue peu par la suite. En novembre 1938, la CGT obtient 6 sièges sur 4 au 1er tour des élections prudhommales. Dans la chaussure, Fournier est élu avec 81 % des voix contre le candidat du syndicat catholique – Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 19 novembre 1938.

73 La campagne de souscription semble être un succès comme en témoigne la publication des listes d’usines dans L’Aurore d’Ille-et-Vilaine du 30 janvier 1937.

74 Le Populaire du 26 août 1936.

75 Le Populaire du 25 octobre 1936 et du 6 mars 1936.

76 Ouest-Eclair du 13 décembre 1936.

77 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 12 septembre 1937.

78 Pour une synthèse à l’échelle régionale se rapporter à LE BOULANGER, Isabelle, L’exil espagnol en Bretagne (1937-1940), Spézet, Coop Breizh, 2016.

79 L’Ouest-Journal du 11 octobre 1936.

80 Sur le poids des anciens combattants dans le département d’Ille-et-Vilaine en 1936 voir LE GALL, Erwan, « Unis comme au front (populaire) ? Les anciens combattants d’Ille-et-Vilaine et le scrutin du printemps 1936 », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1936…, op. cit., p. 256-285.

81 L’Ouest-Journal du 12 novembre 1936.

82 L’Aurore d’Ille-et-Vilaine du 2 janvier 1937. L’auteur de l’article Marcel Duval, secrétaire de la section socialiste de Fougères, ne se prive pas de polémiquer avec le PC en rapportant les propos de L’Hévéder qui souligne le « refus de la participation ministérielle [du PC] » et critique « la campagne abjecte que ne cessent de mener [les communistes] contre le gouvernement de Front Populaire ».

83 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 20 novembre 1937.

84 Sur la question EVANNO, Yves-Marie, « Le Morbihan contre le Front populaire ? », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1936…, op. cit…, p. 78-101.

85 On notera les conférences du cercle d’études sociales, lié aux syndicats chrétiens dont, par exemple,  celle de l’abbé Dorange sur les différences doctrinales entre la CFTC et la CGT. L’Ouest-Eclair du 26 novembre 1936.

86 L’Aurore d’Ille-et-Vilaine du 9 janvier 1937 et du 23 janvier 1937 rapporte ainsi que « à Fougères, le patronat a reconstitué une section du PSF [Parti Social Français] de Casimir de La Rocque pour saboter les lois sociales et la politique du gouvernement de Léon Blum » et « Doriot a trouvé quelques imbéciles pour le suivre dans sa sale besogne ». Dans les campagnes environnantes, le PSF s’implante en s’appuyant sur de gros commerçants, notables locaux et militants proches du sénateur Lefas et du député Le Poullen. En ville, plusieurs conseillers municipaux, élus sur la liste de Rebuffé, semblent être les animateurs des « Equipes Volantes de Propagande » du mouvement. L’Union Nationale des Combattants semble servir de paravent à l’organisation d’un courant de jeunes fascistes ce qui lui vaut d’enregistrer des démissions d’anciens combattants.

87 On se permettra de renvoyer à BOUFFORT, Daniel, « Le sport ouvrier fougerais (SOF) 1923 – 1939 », Le Pays de Fougères, 1985, n°54, p. 44 à 46. Le SOF organise en 1937 pas moins de 9 réunions cyclistes au vélodrome – Ouest-Eclair du 16 mars 1937.

88 L’Ouest-Eclair des 21 et 22 novembre 1936 et Ouest-Journal du 20 novembre 1936.

89 Dans L’Aurore d’Ille-et-Vilaine du 27 février 1937, le bureau du Comité donne sa conception pédagogique du rôle que doit jouer la section photographique.

90 L’Ouest-Eclair du 24 août 1938.

91 Un des soucis des dirigeants ouvriers consiste à s’opposer à tout détournement de la loi des 40 heures, notamment en surveillant le respect des heures d’embauche et de débauche, le non-travail du samedi, les recours excessifs aux « coup-de-mains » ou encore – et notamment pour les femmes – l’emploi d’ouvrières à domicile plutôt que de salariées à « l’intérieur » - voir sur ce dernier sujet.  Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 21 novembre 1937.

92 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 5 juin 1937 et du 2 janvier 1937 à propos d’une usine de Pouliacq (Basse-Pyrénées).

93 Accord du 9 mars 1937 avec application au 15 mars 1937 - Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 27 mars 1937.

94 Les nouveaux tarifs horaires de la chaussure, intégrant « l’effet 40h » paraissent dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 10 avril 1937.

95 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 10 octobre 1936.

96 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 24 octobre 1936.

97 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 7 novembre 1936.

98 Joseph Fournier est aussi secrétaire-adjoint de l’Union Départementale CGT.

99 Joseph Fournier rapporte qu’à Vitré, à la maison Noël, c’est le contremaître qui recueille les adhésions au syndicat chrétien. Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 28 septembre 1936. De même, à la suite d’un incident à la carrière Godard, le syndicat CGT des granitiers de Louvigné-du-Désert accuse (février 1937), dans une affiche, le patronat de « préconiser, organiser, distribuer les journaux du syndicat chrétien et imposer à une partie de son personnel l’abandon du syndicat cégétiste au profit de l’organisation chrétienne ». Arch dép. I&V :  1 Z 19.

100 Lettre du bureau confédéral de la CGT à Léon Blum (novembre 1936).

101 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 5 décembre 1936.

102 Voir à ce sujet la déclaration du bureau confédéral de la CGT d’octobre 1936. Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 24 octobre 1936.

103 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 24 octobre 1936.

104 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 8 mai 1937.

105 Son prédécesseur Le Pannetier du Roissay avait été réélu en 1931 devant Fournier à une majorité de plus de 64% et lui-même avait été élu en 1934 avec près de 56%, dans une configuration où il n’était opposé qu’à un candidat radical-socialiste (Lebossé, marchand de bestiaux à Laignelet) et un candidat communiste (Macé).

106 A Fougères ville, Fournier obtient 44,77% des voix, Robin (radical) près de 11% et Farard (communiste) 5,5%. Le Bouteiller doit donc son élection aux communes rurales.

107 A noter que seul parmi les 5 sénateurs d’Ille-et-Vilaine, Gasnier-Duparc vote les pleins pouvoirs financiers. Les quatre autres sénateurs, Charles Stourm, Robert Bellanger, Jean Lemaistre, Alexandre Lefas rejettent la demande gouvernementale.

108 Hommage de l’union départementale CGT au premier gouvernement du Rassemblement Populaire, Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 4 juillet 1937.

109 Il faut préciser que l’industrie de la chaussure avait connu une nette reprise à partir de la fin de l’année 1935. L’Aurore d’Ille-et-Vilaine du 23 janvier 1937 notait d’ailleurs qu’il n’y avait plus de chômage partiel, qu’on manquait de wagons à la gare, qu’on observait une augmentation du trafic postal et des dépôts à la caisse d’épargne, mettant cette amélioration à l’actif de la politique du gouvernement Blum. Cependant, d’août 1937 à juin 1938, pas moins de 7 fabricants cessent leur activité à en croire Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 21 mai 1938.

110 Le patronat tente de reproduire le schéma de paiement échelonné réalisé en 1936. Le syndicat CGT de la chaussure organise sa riposte par l’intermédiaire de ses délégués d’usines. Au final, une partie des entreprises acceptent de payer les congés payés au départ. L’idée de la mise en place d’une caisse de congés payés, collectant les versements patronaux au cours de l’année est avancée par la CGT. Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 31 juillet 1937.

111 Après le licenciement de 28 ouvriers suivi d’une occupation de l’usine à Ernée et après 15 licenciements à Vitré. Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 11 septembre 1937.

112 Il s’agit des procédures de conciliation et d’arbitrage rendues obligatoires par les lois de décembre 1936, juillet 1937 et mars 1938, visant à réduire les risques de grèves et conflits ouverts, dès lors qu’il y a opposition ou désaccord sur l’application, l’interprétation ou la réclamation d’un droit ou d’une revendication.

113 L’Ouest-Eclair du 29 juillet 1937.

114 La fédération patronale de la chaussure dénonce la convention collective nationale le 10 octobre 1937, cette attitude n’étant pas nécessairement partagée par tous les patrons fougerais. La fédération nationale s’appuie en cela sur un avenant local signé en février 1937 par le syndicat CFTC du Choletais qui abaissait le taux de prime horaire de l’échelle mobile. J. Fournier fait à plusieurs reprises mention des pressions que subirait le patronat de la chaussure de la part de la Confédération Nationale du Patronat Français pour supprimer la clause d’échelle mobile. Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 11 septembre 1937.

115 C’est Charles Michels, par ailleurs député communiste, qui est élu secrétaire fédéral. Il fera partie des otages fusillés à Châteaubriant en octobre 1941.

116 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 5 juin 1937.

117 Cette explication est également avancée par Edmond Delbart, secrétaire du syndicat des Cuirs et Peaux de Roubaix dans Syndicats du 22 avril 1937, repris par La Révolution Prolétarienne (revue syndicaliste communiste) du 10 mai 1937.

118 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 12 février 1938.

119 Sur les péripéties de la convention nationale on pourra se référer au journal fédéral, Le travailleur des cuirs et peaux, avril 1938.

120 La sentence arbitrale est publiée dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 27 août 1938.

121 Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 26 mars 1938. Joseph Fournier avait déjà fait part de ses divergences avec la politique gouvernementale, lors de la réunion de la Commission Exécutive de l’UD - Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 26 février 1938.

122 Dans Le Semeur d’Ille-et-Vilaine du 7 mai 1938, Joseph Fournier n’avance pas de chiffres de participation au meeting mais évoque « l’émotion des hommes » et « les larmes abondantes versées par les femmes » suite à la projection du film, qui montre il est vrai l’horreur des « premiers » bombardements aériens de l’histoire touchant des populations civiles.