De la complexité d’un objet historique anodin : le 47e régiment d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale

S’il est un genre qui possède toute ses lettres de noblesse en Grande-Bretagne, et de manière plus générale dans le monde anglo-saxon, la monographie régimentaire est un exercice très peu prisé en France. En se basant sur l’exemple du 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo pendant la Grande Guerre, Erwan Le Gall montre tout ce qu’une telle démarche peut apporter à une histoire sociale de ce conflit, et plaide ainsi pour de véritables études régimentaires.

Par Erwan LE GALL

 

 

Quoi de plus anodin pour quiconque s’intéresse à la Première Guerre mondiale qu’un régiment ?1 Pas grand-chose sans doute. Pour ne citer que le cas de la France, ce ne sont pas moins de 173 régiments d’infanterie qui sont mis sur le pied de guerre en août 1914, chiffre qui ne prend en compte ni les unités qui sont constituées ultérieurement, ni celles de la réserve et de la territoriale. A ce total déjà fort impressionnant, il faut de surcroît ajouter les régiments d’artillerie – de campagne, lourde et à pied – ainsi que les régiments de dragons, de hussards, de chasseurs, de zouaves, de tirailleurs ou encore du génie, dont il faut bien admettre qu’on ne sait pas grand-chose, sans compter quelques armes aussi diverses que le train, dont on ignore tout ou presque2.

Fantassins. Carte postale-photo. Collection particulière.

A l’heure des perspectives transnationales3, l’objet régimentaire pourrait sembler de prime abord relever d’une historiographie périmée, étriquée, repliée sur elle-même. Or non seulement il est un fait acquis que la variation des échelles est une des clefs de la progression des connaissances4, mais la monographie se révèle être une démarche féconde en ce qu’elle permet d’appréhender un objet qui, sous des abords familiers, est en réalité d’une grande complexité. Le terrain régimentaire permet en effet de resituer les combattants dans un certain nombre d’interactions sociales difficilement perceptibles dans le cadre d’études à plus large spectre puisque les poilus évoluent au sein de ces corps comme dans une microsociété, véritable intermédiaire entre le groupe primaire et l’ensemble plus vaste qu’est l’Armée française de 1914-1918.

Dès lors, à partir de l’exemple que constitue le 47e régiment d’infanterie (RI) de Saint-Malo, nous replacerons l’objet régimentaire dans trois des dimensions qui révèlent sa complexité sociale. En effet, si l’unité est le support de stratégies discursives, elle est aussi une pluralité de communautés traversée par de nombreux jeux de réseaux.

 

Le régiment en tant que discours

Objet complexe, le régiment ne peut pas être appréhendé hors-sol. Autrement dit, il importe de le resituer dans ses relations avec la société civile, dans le cadre de sa garnison. Cela est encore plus vrai dans un pays hautement militarisé comme l’est la France de 1914. Toutes ces interactions, que J. Maurin regroupe sous le terme de « sensibilité militaire »5, sont en effet à la source de stratégies rhétoriques qui, in fine, pèsent largement sur le comportement des acteurs.

Le 47e : bien plus qu’un simple numéro

Dans un ouvrage n’ayant malheureusement que peu attiré l’attention en France, l’historien britannique A. Watson rappelle qu’un régiment est bien plus qu’une entité perdue dans un organigramme fort complexe puisque c’est aussi, et peut-être même surtout, un prestige, une tradition d’excellence, bref un passé magnifique et magnifié6. Le 47e RI n’échappe pas à ce constat, bien au contraire. Enfiler son uniforme n’est donc pas tout à fait la même chose que revêtir celui du 46e RI casernant à Paris et Fontainebleau ou porter le képi orné du numéro 48, arboré par le régiment de Guingamp. Certes, ces chiffres permettent d’identifier à coup sûr l’unité à laquelle un individu appartient mais ils ne sauraient se limiter à cette seule fonction pratique.

Carte postale. Collection particulière.

Reconnaitre la spécificité de ce numéro 47, savoir en décoder la signification profonde, réservée aux seuls initiés, c’est en définitive témoigner d’un esprit de corps mais aussi d’une certaine fierté régimentaire. La fourragère, octroyée à l’unité le 15 septembre 19187, en est un bon exemple. Plusieurs témoignages photographiques nous montrent qu’elle est effectivement arborée par les combattants du 47e RI. Ce faisant, ces archives mettent en évidence la complexité du comportement des acteurs. Le port de cette décoration s’apparente en effet à un double mouvement, à la fois signe de reconnaissance entre poilus du même corps et élément de distinction par rapport aux autres combattants, manière de certifier que l’on a « fait son devoir », que l’on ne s’est pas « embusqué ».

Un régiment breton et malouin

Mais le prestige associé à cette distinction ne se limite pas aux frontières du régiment, loin de là. En annonçant la citation à l’ordre de l’armée qui octroie aux poilus du 47e RI le port de cette fourragère, L’Union malouine et dinannaise montre la force des liens qui unissent l’unité à sa garnison et, par la même occasion, s’approprie les valeurs associées à la fourragère, comme pour rappeler que cette portion de territoire fait également « son devoir » :

« Le 47e d’infanterie qui compte dans ses rangs tant de nos compatriotes des arrondissements de Saint-Malo et Dinan, vient de recevoir la fourragère. Au front depuis le début des hostilités, le 47e s’est signalé comme d’ailleurs les autres régiments du 10e corps, par de nombreuses et splendides actions d’éclat dont il reçoit aujourd’hui la juste récompense. »8

Or cette inscription territoriale est d’autant plus intéressante qu’elle ne correspond plus à la réalité démographique des rangs qui forment en 1918 le 47e RI. Des extrapolations conduites à partir du fichier des morts pour la France conduisent ainsi à sérieusement nuancer la malouinité et la bretonnité affirmées et revendiquées du 47e RI. En effet, on recense pour ce régiment, au titre de l’année 1918, 174 fantassins « tués à l’ennemi » ou « disparus au combat » titulaires de la mention « mort pour la France ». Or, moins de la moitié d’entre eux sont nés en Bretagne alors que cette proportion est supérieure à 80% en 1914. De même, en 1918, seulement 47% de ces morts pour la France du 47e RI dépendent d’un bureau de recrutement de la 10e région militaire (Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine et Manche) quand ils sont plus de 95% en 1914. Pour autant, c’est bien une unité malouine et bretonne qui est accueillie en fanfare par le maire Alphonse Gasnier-Duparc, comme en témoignent les costumes folkloriques requis pour l’occasion9.

Derrière le régiment, la définition d’un bon soldat ?

Mais cette inscription territoriale ne saurait se limiter à une simple dimension culturelle. Elle est en effet le support de discours qui interfèrent directement sur les acteurs en exerçant sur eux une certaine forme de contrainte sociale. N’hésitant pas au besoin à recycler quelques-uns des poncifs relatifs à l’endurance ou à la témérité des Bretons, l’origine régionale revendiquée du 47e RI permet en réalité de définir ce qu’est le bon soldat10.

Carte postale. Archives municipales de Saint-Malo.

Stimulante est à cet égard la devise de l’unité : Semper fidelis, toujours fidèle, qui est également celle de la ville de Saint-Malo. Autre élément particulièrement symbolique et revêtant d’ailleurs une grande importance dans la culture militaire : le drapeau. Sur celui du 47e RI sont brodés les noms des batailles de Fleurus, de La Corogne, de Constantine et de Sébastopol, autant d’appellations dont il n’est pas interdit de penser qu’elles agissent également à la manière d’une injonction à l’excellence. Nommé quelques heures avant à la bataille de Guise, le 29 août 1914, à la garde du drapeau du 47eeRI, le dinardais Albert Omnès explique dans ses carnets « être résolu à mourir plutôt que d’abandonner l’emblème sacré aux mains ennemies ». Quelques instants plus tard, en plein combat, il affirme courir « avec l’escorte à perdre haleine, craignant non pour moi mais pour l’emblème que je porte », phrase qui dit bien l’effet que peut avoir un tel symbole, et par extension ce discours régimentaire sur les hommes11.

Précisons qu’il n’y a là point de génération spontanée par la seule grâce de la mobilisation générale mais, au contraire, le résultat d’une efficace pédagogie vexillologique aboutissant à l’intériorisation de conduites spécifiques qui, seules, peuvent expliquer de tels comportements. On est ainsi frappé de voir combien ces lignes, écrites de surcroît par un homme qui en 1909 obtient le baccalauréat et se destine à l’enseignement, font écho à certaines passages du célèbre Lavisse12. De même, la cour de la caserne se situant à la Belle époque dans le prolongement de celle de l’école13, ce passage n’est également pas sans évoquer certains préceptes éducatifs développés dans les manuels à destination des conscrits14. Bien entendu, Albert Omnès est sans doute un cas particulier mais il n’en demeure pas moins qu’au-delà de la spécificité que constitue son niveau d’instruction15, tous les régiments développent de tels symboles. C’est d’ailleurs probablement la force de cet emblème qui conduit le caporal Pierre Le Fustec, un commerçant originaire de Plougras dans les Côtes-du-Nord, à prendre les plus grands risques et à aller « volontairement en plein jour [le 1er juin 1915], avec son chef de section, chercher un fanion allemand à 650 mètres environ » des tranchées du 47e RI et à le rapporter dans les lignes françaises .

Au final, le régiment se révèle être bien plus qu’un simple numéro mais une rhétorique hagiographique géographiquement inscrite destinée à tirer le meilleur des fantassins.

 

Le régiment comme pluralités de communautés

Ce discours est d’autant plus significatif qu’il donne corps à une structure qui est non seulement très hiérarchisée mais profondément fragmentée. Car derrière le singulier de l’expression « régiment d’infanterie » se cache en réalité une pluralité de communautés, organiques mais également socioculturelles.

Une structure complexe et éclatée

Lorsque le 47e RI quitte Saint-Malo en août 1914 pour gagner Vouziers, point de concentration du 10e corps d’armée, l’unité répartit les 3 300 hommes qui combattent sous son uniforme en un état-major, une compagnie hors-rang et trois bataillons, ceux-ci étant composés de 4 compagnies qui se subdivisent en sections, demi-sections et, pour finir, escouades17. Tous voyagent enfin en « trois échelons » qui occupent chacun un train18.

Groupe de sapeurs du 47e RI. Collection particulière.

Précisons que ce plan n’est pas figé et que l’organisation de l’unité varie au cours de la Première Guerre mondiale ce qui, d’ailleurs, souligne une certaine aptitude à s’adapter aux conditions de combat imposées par le champ de bataille. Prenant acte du siège mutuel qu’est la guerre des tranchées, le 47e RI se dote par exemple en août 1915, en application d’un ordre du général Joffre, d’un peloton de sapeurs dont le commandement est confié au sous-lieutenant Adrien Delastelle, un  militaire de carrière présent au sein de l’unité depuis 190319. A l’été 1916, alors que l’unité s’apprête à quitter la Champagne pour la Somme, la structure de l’unité est profondément remaniée : les bataillons passent de quatre à trois compagnies d’infanterie mais gagnent une compagnie de mitrailleuses, le reliquat étant affecté à un bataillon du 47e RI relevant d’un dépôt divisionnaire20.

Ajoutons que le 47e RI ne fait ici nullement exception puisqu’en 1914, les 173 unités d’infanterie d’active que compte l’armée française sont forgées sur le même moule. Celles-ci sont d’ailleurs insérées dans un organigramme lui aussi pyramidal, le régiment dépendant d’une brigade faisant partie d’une division relevant d’un corps d’armée, fraction d’une armée voir d’un groupe d’armées, le tout étant placé aux ordres du généralissime puis d’un commandement interallié unique à la suite de la conférence de Doullens, le 26 mars 1918. C’est dire si cet agencement est complexe et de surcroît fluctuant. Les généraux n’hésitent en effet pas à se « prêter » telle ou telle division pour des périodes plus ou moins longues. Mais cette structure n’en est pas moins connue par cœur par les conscrits, puis par les mobilisés, qui doivent être capables, à tout moment, de pouvoir décliner leur identité militaire : soldat untel de la ixième section de telle compagnie du 47e RI.

De l’identification à son régiment

Une telle complexité ne peut qu’interpeller. Qui peut en effet garantir que, dans une structure si fortement hiérarchisée et regroupant plus de 3 300 individus, c’est bien au régiment, et non pas à une escouade ou à une compagnie regroupant 250 poilus, que s’identifie un simple soldat de 2e classe ? Une telle interrogation renvoie au concept de « groupe primaire » qui, en psychologie sociale, se définit comme un ensemble de personnes se percevant comme un « nous ». Or, à la suite des travaux de M. Janowitz et E. Shills sur la Wehrmacht, on situe habituellement le groupe primaire plus au niveau de l’escouade que du régiment .

Groupe de fantassins du 47e RI. Au centre, marqué d'une croix, Emile Le Guen. Archives privées Jean-Claude Le Guen.

La correspondance de la famille Le Guen, de modestes agriculteurs résidant à Plouha, dans les Côtes-du-Nord, est à cet égard révélatrice. On y a apprend en effet que deux frères peuvent être mobilisés au sein du 47e RI sans parvenir à se voir pendant 15 jours22. C’est ainsi qu’en janvier 1915 Yves Le Guen dresse le parallèle entre une connaissance de Plouha qui est, elle aussi, affectée à la 10/47e RI où il sert, et son frère Emile, pourtant mobilisé au sein de la même unité : s’il peut côtoyer le premier « à peu près tous les jours », il ne peut espérer rencontrer le second que « de temps en temps »23. En octobre 1914, il confesse même devoir écrire à son frère Emile pour pouvoir communiquer avec lui24. Pourtant, cet éclatement de la structure ne parait pas nuire à l’identification au régiment. Il est vrai que la mobilisation générale n’induit pas un grand bouleversement puisqu’à la Belle époque le 47e RI est disséminé dans plusieurs casernes de Saint-Malo et de Saint-Servan : le Château, la Concorde ainsi que Rocabey. Le cas d’Edouard Le Guen montre d’ailleurs bien que la guerre ne change pas grand-chose à cette situation. En effet, il est affecté, vraisemblablement au moment de sa création en février 1915, au bataillon de marche du 47e RI. Agglomération de deux compagnies du 47e RI, d’une du 132e et ainsi que d’une dernière en provenance du 155e RI, cette entité à l’existence brève – elle est dissoute le 16 février 1915 – n’entretient aucun lien organique avec la structure souche, si ce n’est du point de vue administratif. C’est cela qui permet d’expliquer pourquoi le feuillet nominatif de contrôle d’Edouard Le Guen ne fait mention d’aucune affectation à ce bataillon de marche, information qui nous est connue par la correspondance privée de l’intéressé25. Or, pas plus que le dépôt, Emile et Yves Le Guen ne semblent à aucun moment considérer l’affectation de leur frère Edouard à ce détachement provisoire comme un transfert vers une autre unité. Pourtant, si le bataillon de marche du 47e RI est créé à Paramé, il est envoyé par la suite dans la Somme puis dans le secteur de Verdun alors que l’unité souche occupe des tranchées au nord d’Arras. Mais ces trajectoires différentes n’empêchent pas ces frères de se penser comme appartenant à une même unité26.

Cette permanence de l’échelon régimentaire comme cadre d’identification du poilu au sein de l’Armée française s’explique probablement par la nature foncièrement cumulative de ces appartenances, qui fonctionnent par bien des égards à la manière de poupées russes27. De la même manière qu’on est Malouin, Breton et Français, on appartient ainsi à la 2e compagnie du Ier bataillon du 47e RI. Par ailleurs, il convient de rappeler que le régiment est aussi le plus petit échelon d’identification privilégié par l’institution militaire : en effet, on ne peut pas être cité à l’ordre d’un bataillon et encore moins d’une section ou d’une escouade. Mais l’identification au régiment ne doit pas pour autant masquer la complexité de cette structure, morcelée en de nombreux sous-ensembles qui composent des mondes perçus par les acteurs comme étant très différents. C’est ce que rappelle la violente réaction de Julien Loret, un paysan des environs de Rennes, lorsqu’il apprend qu’il est transféré de la 5e à la 7/47e RIe.

Les officiers : un corps particulier ?

Le singulier de l’expression « le corps des officiers » illustre d’ailleurs parfaitement ce propos. Placés en position de notabilité, ils forment un groupe à part entière caractérisé par un commun sentiment d’appartenance et un ethos bien spécifique. Néanmoins, il importe de rappeler qu’ils ne constituent une élite qu’au sein du régiment, ce qui en définitive renvoie cet échelon à son rang de de particule élémentaire de l’Armée française. En effet, les emplois qu’ils occupent au sein de la nomenclature des catégories professionnelles relèvent de la catégorie des « fonctionnaires intermédiaires », au même titre qu’un gradé de préfecture ou un percepteur du Trésor. Seuls les officiers généraux peuvent en définitive se prévaloir de faire partie de l’élite de l’Armée française29.

Pour autant, cette homogénéité de façade ne doit pas tromper. Quoi de commun en effet entre un lieutenant de réserve tel que le vicomte Edouard de la Moussaye, un « laboureur » ne devant sa sortie du rang qu’aux places laissées vacantes par l’hécatombe de l’été 1914 comme le sous-lieutenant Yves Guillaume, et un jeune officier tel que le sous-lieutenant Ernest Pallez, frais émoulu de Saint-Cyr et promis à un bel avenir mais fauché à Charleroi ?30 Pas grand-chose sans doute, ce d’autant plus que le milieu d’origine s’avère déterminant pour tenir – ou non – le rang allant censément avec les galons. On estime en effet que ce n’est qu’avec le grade de commandant que vient – hors capital familial – l’aisance financière31, précision qui laisse entrevoir l’écart qui sépare officiers subalternes et supérieurs. Ainsi, il est à peu près hors de doute que parmi les officiers ayant, par exemple, le grade de capitaine, il existe en réalité deux communautés : ceux pour qui ces trois galons constituent un « bâton de maréchal » et les autres, pour qui il ne s’agit que d’une étape sur un long cursus honorum.

Fiesta pour plusieurs caporaux partis sergents au 47, sans lieu ni date. Archives privées Jean-Claude Le Guen.

Ajoutons d’ailleurs que cette question se pose probablement avec la même acuité à propos des sous-officiers. Là aussi, il est à peu près hors de doute qu’une sorte d’esprit de corps existe, ce que semble attester une photographie précieusement conservée par Emile Le Guen et intitulée « fiesta pour plusieurs caporaux partis sergents au 47 »32. Le régiment apparaît donc comme un champ composé de multiples communautés fondées sur les différences de grades mais également sur des critères renvoyant à la vie civile et/ou intime, tels que les pratiques religieuses ou sportives, les opinions politiques ou encore l’origine géographique.

 

Le régiment comme jeu de réseaux

Or ces groupes ne sont pas des espaces figés. Au contraire, ils interagissent sans cesse, en fonction d’impératifs aussi divers que des motifs de pouvoir et de carrière, l’amélioration des conditions d’existence ou tout simplement des affinités personnelles. De ce fait, loin de l’image banale que de prime abord peut donner cet objet d’étude, ces communautés érigent le régiment d’infanterie en une entité traversée par de multiples jeux de réseaux.

Importer le pays au régiment : l’exemple de Plouha

La correspondance des frères Le Guen en donne un bon exemple puisque, au final, c’est bien un véritable réseau plouhatin sévissant au sein du 47e RI que ces archives permettent de mettre à jour. Cette chaîne relie bien entendu les combattants aux membres de la petite patrie restés au pays et permet, notamment par l’intermédiaire des colis, de voir qu’à la fonction calorifique de la nourriture répond une autre, d’ordre culturel, qui est au moins aussi importante. Remerciant sa mère en octobre 1915 pour un colis qu’elle lui a adressé, Emile Le Guen explique que non seulement ces envois permettent de pallier au ravitaillement qui « ne suffit pas » mais qu’ils permettent « d’avoir quelque chose du pays », en l’occurrence de l’andouille, ce qui est « le seul plaisir du front »33. De la même manière, il est régulièrement fait mention de mandats qui permettent aux poilus de s’approvisionner chez les nombreux mercantis qui peuplent les environs des cantonnements de repos34. Ajoutons d’ailleurs que de ce point de vue la correspondance des frères Le Guen n’est en rien exceptionnelle. En effet, de semblables tendances peuvent également être observées dans les lettres que le sergent Olivier Le Guével adresse à ses parents, restés à Saint-Malo35.

Carte postale. Collection particulière.

Fonctionnant dans le sens arrière/front, le réseau plouhatin est également efficace en sens inverse, pour donner des nouvelles des frères mais aussi des villageois mobilisés au sein du 47e RI. C’est ainsi qu’Yves Le Guen explique à sa mère le 14 février 1915 que ses fils au front sont « gros et gras », manière de combattre l’angoisse et de certifier qu’ils sont bien portants36. Quelques jours plus tard, le 9 avril 1915, Edouard Le Guen écrit à sa mère que « Edouard Le Toquer est toujours solide », information qui à n’en pas douter circule dès qu’elle parvient à Plouha37. C’est là une fonction essentielle du courrier et par conséquent de ce réseau : rassurer les familles inquiètes. Mais la correspondance permet également aux poilus de retrouver, pour quelques instants, leur identité masculine d’avant-guerre et de continuer à administrer les choses de la maison comme si de rien était38. Particulièrement dramatique est à cet égard la lettre qu’adresse Emile Le Guen à « Mr Jouvelin » le 11 juin 1915. En quelques lignes, il lui fait part de la mort au champ d’honneur de son frère Yves et surtout, lui explique comment annoncer la terrible nouvelle à sa mère :

« Dites-lui avec précaution. Dites-lui qu’après la lutte il aurait été disparu ou gravement blessé et finalement dites-lui qu’il est mort en brave, qu’il n’a fait que son devoir. Avec honneur il a donné son sang pour la France, sur un terrain qu’il venait de reprendre à l’ennemi et qu’il a contribué pour sa part à la victoire qui nous attend. »39

Plus tard, Emile Le Guen veillera à ce que sa mère touche bien le secours à laquelle elle a droit du fait du décès de son fils40.

De Linkedin à Facebook

Projection de la petite patrie sous les drapeaux, les réseaux sociaux à l’œuvre au sein du 47e RI s’établissent également sur des bases renvoyant aux sociabilités professionnelles d’avant-guerre. C’est ce que montre la correspondance de Jean Chevillon. Prêtre enseignant à l’Institution Saint-Martin de Rennes, il arrive en janvier 1915 au 47e RI en provenance du groupe de brancardiers de la 20e division et écrit : « J’ai toujours recherché la société de mes confrères et je n’ai jamais eu qu’à m’en féliciter »41. Ainsi, de la même manière que les intellectuels ne rencontrent pas le peuple dans les tranchées42, religieux et anticléricaux continuent à ne pas se fréquenter, fussent-ils enrégimentés au sein de la même unité. L’importance de la question religieuse et sa dimension éminemment clivante, quoiqu’impose le « politiquement correct » de l’Union sacrée, rappelle qu’au sein d’une unité telle le 47e RI les réseaux se forment également sur la base des opinions. Séminariste ayant reçu les ordres mineurs que la mobilisation générale trouve en train d’effectuer son service militaire au 47e RI, Louis Péhu est promu sous-lieutenant en mai 1915. Or l’obtention de ce galon revêt à ses yeux une signification particulière, qui non seulement dépasse allègrement le cadre de sa personne mais de surcroît s’intègre dans le cadre politique du moment. En effet, il déclare être fier

« non pas pour moi mais pour le Séminaire et le clergé. J’espère avec la grâce de Dieu me montrer digne de la confiance de mes chefs, et avoir le courage de faire mon devoir jusqu’au bout, et de faire voir à mes hommes ce qu’un futur prêtre sait faire. »43

Carte postale. Collection particulière.

Comment ne pas voir dans ces propos une allusion à la rumeur infâme et, d’une manière plus générale, la preuve d’une poursuite des tensions que provoque la question religieuse au sein de l’unité ? Le cas de l’abbé Isidore Taupin est à cet égard particulièrement intéressant et rappelle que derrière les jeux de réseaux se trament en réalité des enjeux de pouvoir. Entré au grand séminaire de Rennes en 1914, ce jeune homme de la classe 1916 enseigne une année à l’école du Sacré-Cœur de Saint-Servan avant d’être mobilisé au 47e RI. Blessé en septembre 1917, il est tué par un éclat d’obus le 16 juin 1918 et présente des états de services irréprochables, traduits d’ailleurs par une citation posthume à l’ordre du régiment portant attribution de la Croix de guerre avec étoile de bronze puis par la délivrance, en 1922, de la Médaille militaire44. Pourtant, c’est en tant que simple soldat de 2e classe qu’Isidore Taupin trouve la mort, situation que le Livre d’or de la paroisse de Saint-Servan n’hésite pas, en 1920, à attribuer aux luttes anticléricales sévissant au sein même de l’unité :

« Rentré en ligne dans le même secteur, il y passa l’hiver, tantôt sous la neige, tantôt dans les cagnas, lisant, priant et étudiant, toujours à son devoir. Il faisait l’admiration de tous, officiers et soldats, écrit l’aumônier du 2e bataillon du 47e. Un parti-pris évident pour tous ses camarades de la part de certains chefs l’empêcha pourtant d’être gradé. »45

Aucune archive n’atteste à notre connaissance les affirmations du Livre d’or de la paroisse de Saint-Servan. Il convient donc d’être d’autant prudent que la trajectoire d’Isidore Taupin relève par bien des aspects du cas d’espèce. En effet, il dépend de la paroisse de Saint-Servan, soit l’un des endroits de France où l’inventaire des biens de l’Eglise est le plus mouvementé, la réquisition de la troupe n’ayant été obtenue qu’in extremis en mars 1906, grâce au concours du capitaine Romain Bühler du 47e RI, officier de carrière placé à la tête de cette même unité le 1er juillet 191546. De plus, l’aumônier du II/47e RI à qui sont attribués ces propos n’est ni plus moins que l’abbé Pierre-Marie Lec’hvien, homme dont la trajectoire – militant du Bleun Brug et proche de Jean-Marie Perrot, il est liquidé par la Résistance en août 1944 – invite à une certaine retenue dans l’utilisation des témoignages. Pour autant, de tels propos paraissent bien confirmer non seulement l’existence de réseaux laïques et cléricaux au sein de l’unité mais, par la même occasion, les rivalités et enjeux de pouvoir qui les unissent.

Carte postale. Collection particulière.

Heureusement, la question confessionnelle ne fait pas tout. Les fantassins du 47e RI se regroupent également sur la base de goûts communs, prolongeant là encore des sociabilités d’avant-guerre. Tel est ainsi le cas des amateurs de ballon rond qui, à la Belle époque, gravitent autour de l’Union sportive servannaise (USS), un club qui remporte à plusieurs reprises le championnat de Bretagne. Par la grâce du recrutement régional, c’est tout naturellement ou presque qu’un certain nombre de sociétaires de l’USS se retrouvent au sein du 47e RI. C’est d’ailleurs ce que montre la correspondance d’Olivier Le Guével. Arrivé aux armées en novembre 1914, ce sergent de carrière n’a donc pas le temps d’y côtoyer le célèbre gardien de but Marcel Landegren fait prisonnier lors de la bataille de Charleroi47. En revanche, on sait qu’il retrouve aux tranchées « le capitaine de la 3e équipe de l’USS » ainsi qu’ « un de ses camarades de l’USS » dénommé Pierre Alliot.48 Et s’il semble que les Diables noirs forment l’ossature de l’équipe du 47e RI qui, lors de périodes de repos au cours du printemps 1915, livre plusieurs matchs contre le 25e RI ou le 10e RAC, c’est bien un véritable réseau de sociabilité de l’Union sportive servannaise qui parait sévir au sein de l’unité.

Le régiment comme tremplin ?

Pittoresques, ces matchs de football nous plongent au cœur d’une expérience qui, loin d’être uniquement constituée de dramatiques et sanglants affrontements, est aussi faite de camaraderie, suggérant ainsi que l’armée française de 1914-1918 n’est peut-être pas si éloignée que cela du modèle des célèbres Pals Battalions britanniques. On sait d’ailleurs que la solidarité combattante est largement exaltée dans les discours d’après-guerre49 ce qui, d’un certain point de vue, pose la question de la fin du 47e RI. En effet, si l’unité est dissoute au début des années 1920, il est hors de doute que l’emprunte du régiment se perpétue au sein du mouvement ancien combattant et des nombreuses commémorations et congrès qui rythment la vie des associations regroupant les vétérans. Dès lors, c’est bien la question du régiment comme point de départ de trajectoires dans la société française des années 1920-1930, et non plus comme espace traversé par des réseaux, qui désormais se pose.

Carte postale. Collection particulière.

Particulièrement intéressant est à cet égard le cas du lieutenant Léon Thébault. Fils de paysans de Piré en Ille-et-Vilaine, il exerce la profession de clerc de notaire lorsqu’il est incorporé le 27 novembre 1913 au 47e RI pour y effectuer son service militaire. Quittant Saint-Malo avec cette unité dans la nuit du 5 au 6 août 1914, il sort progressivement des rangs jusqu’à obtenir le galon de sous-lieutenant le 29 mars 1916. Grièvement blessé au visage en mai 1917 sur le mont Cornillet, il est élevé au grade de lieutenant en 1918 mais aussi à la réforme définitive, étant devenu aveugle de guerre50. Promu en 1921 au rang d’officier de la Légion d’honneur, Léon Thébault reçoit la rosette des mains du lieutenant-colonel Jean Le Guern, président de l’office départemental d’Ille-et-Vilaine des mutilés mais aussi ancien commandant du II/47e RI où, précisément, a servi le récipiendaire. Les liens entre les deux hommes semblent très forts puisque Jean Le Guern le considère comme son « jeune camarade et ami »51. Gageons que ces mots ne sont pas uniquement de circonstance puisque lorsque Léon Thébault est élevé, onze ans plus tard, à la dignité de commandeur, c’est une nouvelle fois Jean Le Guern qui officie. Mais l’ancien poilu présente cette fois-ci un curriculum vitae civil nettement plus étoffé : avocat inscrit au barreau de Rennes, il est élu président de l’UNC d’Ille-et-Vilaine – groupement dont la création est alors régulièrement imputée au député monarchiste Charles Ruellan, lui aussi passé par les casernes du 47e RI52 – et, à ce titre, exerce des fonctions au sein de l’Office départemental des mutilés que dirige son « camarade et ami », puisqu’il s’agit d’un organisme paritaire53. C’est d’ailleurs le prélude d’une belle carrière politique qui le voit conquérir successivement les mandats de maire de Janzé en 1929, de député d’Ille-et-Vilaine en 1930 puis de conseiller général l’année suivante54. Toutefois, lorsqu’on sait qu’en 1932, année où Léon Thébault est élu aux élections législatives avec une confortable avance55, la Voix du combattant d’Ille-et-Vilaine, autrement dit «  l’organe du groupe départemental de l’UNC », revendique 23 000 lecteurs56, on mesure combien l’expérience au sein du 47e RI peut être d’une certaine manière assimilée à un capital politique. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si, lors des élections législatives de 1936, ce même journal affirme que Jean Bohuon, candidat des Chemises vertes dans la circonscription de Vitré soutenu par l’UNC, « est parti dès le début avec le 47e RI » alors qu’en réalité il est réformé en septembre 1914 et transféré dans l’artillerie lourde, arme moins exposée mais politiquement sans doute moins porteuse57.

Rappelons d’ailleurs que le 47e RI est un tremplin mécanique pour un certain nombre de combattants de la Première Guerre mondiale dont la vie sous les drapeaux ne s’arrête pas avec le retour dans les casernes de la Côte d’Emeraude. Si chacun pense bien évidemment aux militaires de carrière, ce cas de figure concerne également un certain nombre de réservistes amenés à une nouvelle fois servir lors de la Seconde Guerre mondiale. Connu est à cet égard l’exemple de Fréderic Aubert58, mais on pourrait également citer celui de Léon Grillet. Démobilisé en septembre 1919, ce lieutenant de réserve du 47e RI est promu capitaine en 1931 puis effectue un stage d’un mois en 1916 à l’Ecole de Guerre avant de participer l’année suivante à un « voyage de tactique générale et d’Etat-major ». Rappelé à l’activité en septembre 1939, il est démobilisé le 17 septembre 1940 mais reprend une nouvelle fois du service le 11 août 1944, date de son affectation, jusqu’au 15 novembre 1945, à l’état-major de la subdivision d’Ille-et-Vilaine .

Conscrits des 136e et 47e régiments d'infanterie, probablement lors de grandes manoeuvres. Carte postale photo. Collection particulière.

Loin d’être une banalité réservée aux seuls fanamilis et autres amateurs de militaria, un objet historique ringard relevant d’une histoire bataille périmée, le régiment d’infanterie se révèle être un terrain fécond permettant de resituer les acteurs dans leur complexité sociale pendant la Première Guerre mondiale. L’exemple du 47e RI de Saint-Malo rappelle ainsi qu’une unité est tout à la fois un discours enjoignant les hommes à l’excellence, une nébuleuse de communautés et une entité de réseaux se muant elle-même, une fois la guerre terminée, en réservoir de sociabilités pouvant être notamment mobilisées dans le cadre de carrières politiques.

Objet complexe, le régiment est un échelon intermédiaire entre la nanoparticule que constitue le groupe primaire, espace que les sources ne permettent que très rarement d’étudier, et l’ensemble trop vaste pour être finement appréhendé qu’est l’armée française de la Première Guerre mondiale. L’appel à un renouveau historiographique par le prisme de la monographie, en d’autres termes à de véritables études régimentaires, semble d’autant plus nécessaire que cet espace est sans doute le complément idéal des enquêtes connectées produites par la global history. Ajoutons enfin que grâce aux ambitieux programmes de numérisation ayant vu le jour depuis le début des années 2000, les sources (on pense bien entendu aux journaux des marches et opérations, fiches de morts pour la France et fiches matriculaires de recrutement mais également à la presse locale, d’un grand intérêt dans de telles recherches) n’ont jamais été aussi aisément disponibles.

Erwan LE GALL

Doctorant, Arènes UMR 6051.

 

 

 

 

 

1 Cet article est la version publiée d’une communication proposée le 8 juin 2016, à l’invitation de Nicolas Mariot, François Buton et Emmanuelle Picard, lors d’une séance du séminaire Lecture sociales de la guerre ayant eu lieu à Vincennes, au Service historique de la Défense. Y assistaient notamment Matthieu Marly, Anne-Sophie Anglaret, Philippe Salson et Dimitri Chavaroche. Que toutes et tous soient remerciés pour les échanges ayant suivi cet exposé.

2 Pour une vaste synthèse portant sur tout le conflit, se rapporter à l’excellent COCHET, François et PORTE, Rémy, Histoire de l’armée française 1914-1918, Paris, Tallandier, 2017.

3 WINTER, Jay (dir.), La Première Guerre mondiale, Paris, Fayard, 3 tomes : Combats (2013), Etats (2014), Sociétés (2014) et plus récemment COMPAGNON, Olivier et PURSEIGLE, Pierre, « Géographie de la mobilisation et territoires de la belligérance durant la Première Guerre mondiale », Annales, Histoire, Sciences Sociales, 71e année, 2016-1, p. 37-64.

4 Sur ce point nous nous permettons de renvoyer à LE GALL, Erwan et PRIGENT, François, « Pour une histoire locale de la France », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, Editions Goater, 2018, p. 8-17.

5 Celle-ci est définie par MAURIN, Jules, Armée, guerre, société, soldats languedociens (1889-1919), Paris, Publications de la Sorbonne, 1982, p. 167 comme « l’accueil réservé à l’armée et au militaire par le corps social et ses composantes ».

6 WATSON, Alexander, Enduring the Great War, Combat, Morale and Collapse in the German and British Armies 1914-1918, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 63.

7 SHD-DAT : 26 N 636/10, JMO 47e RI, 17 septembre 1918.

8 « Tableau d’honneur », L’Union malouine et dinannaise, 72e année, n°38, 28-29 septembre 1918, p. 1.

9 Pour de plus amples développements on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Saint-Malo, la Bretagne, la France : des multiples inscriptions territoriales du 47e régiment d’infanterie », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, Petites patries dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 63-79 et « Le retour des fils de la vieille terre bretonne : quand les régiments retrouvent leurs garnisons d’Ille-et-Vilaine », in JORET, Eric et LAGADEC, Yann (dir.), Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Conseil général d’Ille-et-Vilaine, 2014, p. 289-299. 

10 LAGADEC, Yann, « L’approche régionale, quelle pertinence ? Le cas des combattants bretons dans la Grande Guerre », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, Petites patries dans la Grande Guerre…, op. cit., p. 43-57.

11 OMNES, Albert, Carnet de route, campagne 1914, Notes et impressions prises par le sergent Omnès du  47e régiment d’infanterie, Plessala, Bretagne 14-18, sans date, p. 12.

12 Dans l’édition 1913 de l’Histoire de France pour cours élémentaire, on recense ainsi sept occurrences du mot « drapeau » qui, de Rocroi à Savorgnan de Brazza en passant par Napoléon sur le pont d’Arcole, participent toutes de cette pédagogie vexillologique.

13 BONIFACE, Xavier, L’Armée, l’Eglise et la République (1879-1914), Paris, Nouveau monde éditions, 2012, p. 314.

14 Pour ne citer qu’un exemple, le Petit manuel illustré du soldat, Paris, Chapelot, p. 6 et 7 affirme que « chaque drapeau de régiment est comme un morceau du drapeau national » et que « c’est un déshonneur pour un régiment de laisser prendre son drapeau ».

15 MARIOT, Nicolas, Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple, Paris, Le Seuil, 2013, rapporte que les bacheliers comptent pour 2% d’une classe d’âge, soit entre 6 et 7 000 individus par an sur un total de 300 000 conscrits.

16 Arch. Dép. CdA : 1 R 1808.2088.

17 Pour de plus amples développements, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914-juillet 1915), Talmont-Saint-Hilaire, éditions CODEX, 2014, p. 37-52.

18 SHD-DAT: 26 N 636/7, JMO 47e RI, 7 août 1914.

19 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 28 août 1915 et Arch. Dép. Manche :  1 R 3/115.1148.

20 SHD-DAT: 26 N 636/7, JMO 47e RI, 24 juin 1916.

21 JANOWITZ, Morris & SHILLS, Edward, « Cohesion and Disintegration in the Wehrmacht in World War II », Public Opinion Quaterly, Volume 12, Issue 2, Summer 1948, p. 280-315.

22 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Emile Le Guen datée du 12 octobre 1914.

23 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Yves Le Guen datée du 14 janvier 1915.

24 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Yves Le Guen datée du 20 octobre 1914.

25 Arch. Dép. CdA : 1 R 2175.512 ; Archives privées Jean-Claude Le Guen : correspondance d’Edouard Le Guen. Il est à noter qu’un état général des services d’Edouard Le Guen figure dans ces archives, document ne faisant aucunement mention d’une quelconque affectation au bataillon de marche du 47e RI.

26 SHD-DAT : 26 N 636/14 : JMO bataillon de marche du 47e RI, 3 février – 16 avril 1915.

27 Sur cette question THIESSE, Anne-Marie, Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Editions de la Maison des sciences de l’homme, 1997, chap. 2 « Les gigognes patriotiques ».

28 Arch. Mun. Saint-Malo : 21 S, Historique des années de guerre 1914-1918 vécues par Julien Loret dans les 5e et 7e compagnies du 47e régiment d’infanterie. Précisons que s’il s’agit là d’une réaction sans doute exceptionnelle du point de vue de son intensité, elle n’est néanmoins pas unique. Evoquant son affectation à la 11/47e RI en octobre 1917, Yves Le Guen affirme : « Je regrette de quitter la 1e où j’étais habitué de tous, mais tous les soldats sont pareils et je m’habituerai vite à mon nouveau poste ». Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Yves Le Guen datée du 20 octobre 1914.

29 Sur la distinction entre élite et notables, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « De la prosopographie dans le cadre d’une monographie régimentaire : l’exemple du 47e régiment d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale », in BOUGEARD, Christian et PRIGENT, François (dir.), La Bretagne en portrait(s) de groupe, Rennes, Presses universitaire de Rennes, 2016, p. 303-314.

30 Pour le détail de ces parcours on renverra au Dictionnaire biographique des officiers du 47e RI, consultable en ligne.

31 VERGEZ-CHAIGNON, Bénédicte, Pétain, Paris, Perrin, 2014, p. 61.

32 Archives privées Jean-Claude Le Guen.

33 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Emile Le Guen datée du 18 octobre 1915.

34 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Emile Le Guen datée du 27 octobre 1915.

35 Sur cette question, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Maurice Roger et Olivier Le Gével ou comment la correspondance privée de deux combattants illustre l’entrée en Première Guerre mondiale du 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo ? », communication prononcée lors du colloque 1914 : guerre préparée, guerre vécue organisée par la Commission française d’histoire militaire en l’Ecole militaire les 20 et 21 novembre 2014.

36 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Yves Le Guen datée du 14 février 1915.

37 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Edouard Le Guen datée du 9 avril 1915.

38 PROCHASSON, Christophe, 14-18 Retours d’expériences, Paris, Texto, 2008, p. 220-223.

39 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Edouard Le Guen datée du 11 juin 1915.

40 Archives privées Jean-Claude Le Guen, lettre d’Emile Le Guen datée du 15 février 1916.

41 La Semaine religieuse du diocèse de Rennes, 51e année, n°35, 15 mai 1915, p. 558-559.

42 MARIOT, Nicolas, Tous unis dans la tranchée ?..., op. cit.

43 « M. Louis Péhu, séminariste soldat, mort au champ d’honneur », La Semaine religieuse du diocèse de Rennes, 51e année, n°40, 19 juin 1915, p. 647.

44 La Preuve du sang. Livre d’Or du Clergé et des congrégations (1914-1922), Tome deuxième, Paris, Bonne presse, 1925, p. 829 ; Arch. Dép. I&V : 10 NUM 35161 601 et 1 R 2209.1049 ; « Gloires et Deuils », La Semaine religieuse du diocèse de Rennes, 54e année, n°36, 7 septembre 1918, p. 566-567.

45 Paroisse de Saint-Servan, Livre d’or des Morts pour la Patrie, Rennes, Imprimerie Oberthur, 1920, p. 475.

46 Sur cette question on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Le deuxième procès de Rennes : trois officiers du 47e régiment d’infanterie devant le Conseil de guerre », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°1, hiver 2013, en ligne.

47 « Les sportsmen au feu », L’Ouest-Eclair, n°5559, 31 octobre 1914, p. 3.

48 Arch. Mun. Saint-Malo : fonds, Olivier Le Guével, lettre du 16 janvier 1915 et lettre datée « Avranches samedi 3 heures ».

49 LAFON, Alexandre, La Camaraderie au front. 1914-1918, Paris, Armand Colin / Ministère de la Défense, 2014, particulièrement le chapitre 3, p. 59-83.

50 Arch. Dép. I&V : 10 NUM 35220 451 et 1 R 2133.1472.

51 Arch. Nat. : 19800035/1095/25702, lettre du 13 août 1921.

52 « Rappel de principes », Le Combattant d’Ille-et-Vilaine, n°2, juillet 1922, p. 1. Sur Charles Ruellan, JEAN, Marc (édition présentée par), Les Dix frères Ruellan, héros et martyr, 1914-1918, Saint-Malo, Editions Cristel, 2011 et Arch. Dép. I&V : 1 1846.293.

53 La multiplicité des casquettes étant une règle d’or au sein monde combattant, ajoutons que le Jean Le Guern est également président de la Société des Vétérans des Armées de Terre et de Mer, association qui compte parmi les structures participant au congrès de l’UNC d’Ille-et-Vilaine en novembre 1922. « Renseignements complémentaires », Le Combattant d’Ille-et-Vilaine, Numéro spécial daté de novembre 1922, p. 2.

54 SACHET, Claudia, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, « Le retour à la vie civile des anciens poilus. L’exemple de Léon Thébault, aveugle de guerre. », in JORET, Eric et LAGADEC, Yann (Dir.), Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine..., op. cit., p. 296.

55 Ajoutons que Léon Thébault siège à l’Assemblée nationale au sein de la gauche indépendante ce qui permet de largement nuancer l’étiquette conservatrice qui est accolée à l’Union nationale des combattants.

56 « A l’honneur », La Voix du combattant d’Ille-et-Vilaine, 3e année, n°7, juillet 1932, p. 1.

57 PATAY, René, « Les élections législatives », Le Combattant d’Ille-et-Vilaine, 4e année, n°28, 15 mars 1936, p. 3 et Arch Dép. I&V. : 1. R 2096.2271. Pour de plus amples développements on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Unis comme au front (populaire) ? Les anciens combattants d’Ille-et-Vilaine et le scrutin du printemps 1936 », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1936, Le Front populaire vu de Bretagne, Rennes, Editions Goater, 2016, p. 256-285.

58 AUBERT, Fred, Avec ma section, 27 mai 1918-15 août 1918, Saint-Brieuc, Editions Cendrillon, sans date.

59 Livre d’or du Lycée de Rennes, Rennes, Oberthür, 1922, p. 266 ; Arch. Dép. I&V : 1 R 2198.2672.